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Les Planches-près-Arbois (Jura)
dimanche 12 février 2012
Les Planches-près-Arbois est le village d’origine de la famille paternelle de Claude Simon, où habitaient ses tantes Eugénie, Louise et Arthémise avant de déménager à Arbois.
En 1975, Simon y est retourné pour tourner, avec la Saarländischer Rundfunk, le court-métrage Die Sackgasse (L’Impasse), à partir d’un scénario tiré par lui-même de son roman Triptyque.
La grande image représente un hameau d’une vingtaine de maisons situé dans une vallée encaissée aux flancs tapissés de bois et couronnés par des falaises rocheuses. Une rivière bordée d’arbres et de buissons serpente entre les prés, les champs de maïs ou de blé. Les prés remontent le long des pentes jusqu’aux lisières des bois constitués d’épais taillis de frênes, de charmes, de hêtres ou de noisetiers. Dans le verdoiement des feuillages les toits des maisons et des granges font des taches géométriques, d’un brun violacé. Leurs arêtes sont protégées de feuillures de zinc, jaunies par la rouille, dont certaines étincellent au soleil. Tout à fait sur la gauche de l’image, dans le lointain, on peut voir la traînée blanche d’une cascade entre les touffes de végétation qui l’encadrent, cachant le pied, à côté d’un vaste bâtiment, un moulin sans doute, ou une scierie. Entre la cascade et le hameau la rivière dessine deux courbes en sens contraire, formant un S, dont la seconde contourne les premières maisons avant de traverser le hameau qu’elle coupe approximativement en deux, enjambée par un pont de pierre. Avant le pont, en amont, se trouve l’église dont on peut voir le clocher : une simple tour de section carrée, en pierre grise, qui se dresse au-dessus d’un bouquet de noyers au feuillage d’un vert tirant légèrement sur le jaune, son toit constitué d’une courte pyramide de tuiles brunes aux arêtes elles aussi protégées par des feuilles de zinc. Des jardins potagers et des
vergers plantés de pruniers s’étendent autour du village et derrière les maisons, jusqu’à la rivière, agrémentés parfois de quelques arbustes d’ornement, des sureaux aux larges fleurs plates, d’un blanc jaunâtre, ou des lilas. La surface de la rivière se ride et scintille lorsque l’eau court sur des bas-fonds. Ailleurs, elle reflète comme un miroir poli la végétation des berges et le flanc abrupt et boisé de la vallée, bleuté par une légère brume. (...) Le cours canalisé de la rivière à la surface unie, passe sous la première arche du pont. Son trop-plein bascule par-dessus une murette, perpendiculaire au pont à la hauteur de la pile médiane, formant une petite cascade, l’eau coulant ensuite rapide, étincelant au soleil, entre des bancs émergés où poussent des touffes d’osier et d’énormes feuilles d’un vert bleuâtre en forme de collerettes ou d’entonnoirs évasés. (Triptyque, p. 221-223)
Fontaine à l'entrée des Planches
La fontaine est constituée par une auge de pierre rectangulaire, comme un sarcophage. L’un des bords est creusé d’une encoche par où se déverse le trop-plein en minces pellicules qui glissent sur la paroi verticale. Sous l’ombre des grands noyers la surface de l’eau dans la fontaine est presque noire, comme vernie, sans cesse parcourue de rides concentriques qui vont s’élargissant et s’affaiblissant peu à peu
à partir du point où tombe le jet et où les reflets des feuilles des noyers et de fragments de ciel se disjoignent et se rejoignent dans un perpétuel tremblotement. Les parois intérieures de la cuve sont recouvertes d’une longue mousse verte dont les brins flottent horizontalement, agités parfois par les faibles mouvements de l’eau
que fait naître le jet. Son exubérance végétale contraste avec la surface lisse de la pierre. (Triptyque, p. 16)
Le Cirque des Planches
La cascade du Dérochoir
La cascade des Tufs
Se déplaçant rapidement en oblique dans le lit de la rivière une seconde truite sort de sous le pont, hésite, revient sur la gauche, se laisse paresseusement déporter en arrière par le courant, repart d’un mouvement vif et s’immobilise finalement, à peu près au milieu du lit de la rivière, où elle se maintient par de légères ondulations de la queue. (...) Le gamin s’approche de la murette et se penche pour voir ce que regardent les deux garçons. Passant sans transition de sa nonchalante immobilité au mouvement, la truite file comme une flèche et disparaît en amont dans la zone qu’occulte le reflet aveuglant du ciel, laissant persister sur la rétine la trace de sa forme allongée, rigide, simplement propulsée par les frétillements rapides de sa queue. (Triptyque, p. 17-18)
Truites sous le pont des Planches
Nous remercions Agnès Cousin de Ravel pour les photographies ci-dessus.
– à lire : « Points de vue croisés sur Claude Simon » par Agnès Cousin de Ravel et Mireille Calle-Gruber
– voir aussi : Claude Simon en Arbois