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Perpignan : Collège François Arago
lundi 23 septembre 2013, par
Le Collège François Arago, dont il ne subsiste aujourd’hui qu’une aile (l’ancien internat), occupée par l’École supérieure d’Art, se trouvait près de la place Arago.
Dans Le Tramway, Claude Simon évoque ses courses jusqu’au boulevard Wilson pour attraper le tramway, en suivant la rive gauche de la Basse (Quai Sadi-Carnot)
... tramway que souvent, hors de souffle d’avoir couru, je voyais avec désespoir, déjà tout au bout du boulevard du Président-Wilson, prendre le tournant vers la droite et disparaître, en dépit des demandes répétées des parents des quelques collégiens qui, comme moi-même, sortaient de classe à quatre heures, et qui avaient prié la Compagnie de bien vouloir retarder de cinq minutes ce départ, à quoi la Compagnie semblait avoir accédé (avait fait semblant ?) – à moins que ce départ à l’heure précise, comme cela se produisait le plus souvent, fût le fait d’une mauvaise volonté du personnel qui lançait par là un double défi : d’une part à l’adresse de cette Compagnie elle-même qui, peut-être aussi, les avait un jour ou l’autre dans le passé sanctionnés pour quelque retard et d’autre part aux propriétaires de ces opulentes maisons de campagne dont les enfants bénéficiaient d’une instruction que leur modeste origine leur avait refusée. Toujours est-il qu’à bout de souffle les deux ou trois collégiens (libérés également à la demande des parents auprès du principal du collège cinq minute avant la fin des classes, mais sournoisement retenus jusqu’à ce qu’il soit trop tard par quelque professeur (en particulier celui d’histoire et géographie) nourrissant également à l’égard des classes possédantes (pour des raisons peut-être pas tellement différentes, les vêtements de l’un d’eux étaient presque aussi râpés que ceux des employés du tramway – mais formulées (ou justifiées) dans un langage bien évidemment ignoré de ces derniers) une hostilité équivalente à celle des « wattmen »)… à bout de souffle, les collégiens libérés de mauvaise grâce sous prétexte que « ça faisait désordre » (relégués, en vue de ce départ anticipé, sur les derniers bancs de la classe réservés aux cancres) cinq minutes avant la fin du cours, ce qui, additionné à celles demandées à la Compagnie des tramways, aurait fait dix, largement suffisantes pour qu’ils rassemblent leurs cahiers, quittent (discrètement et sans bruit, exigeait le professeur d’histoire et géographie) leur classe, traversent au galop la cour du collège, passent en galopant devant le tribunal, traversent la place où s’élevait la statue, suivent, toujours galopant, le quai de la Préfecture, pour déboucher enfin devant la façade rococo du cinéma et voir disparaître au loin la motrice du tramway, les collégiens restant plantés là, haletants, non pas tellement déçus qu’humiliés, comme si (conformément à l’usage de prêter aux choses ou aux mécaniques des pensées ou des intentions propres à l’homme) ... (p. 31-33)
Les jeunes filles de la famille, et notamment sa cousine, sont quant à elles scolarisées au Cours Maintenon, qui existe toujours, près de la cathédrale Saint-Jean.
La classe de 5e du collège François Arago de Perpignan lors de l’année scolaire 1924-1925.
Claude Simon est assis par terre à gauche.
Sur la même ligne, à l’autre extrémité, un élève blond qui deviendra célèbre lui-aussi : Charles Trenet.
Cette photographie a été publiée dans La folle jeunesse de Charles Trenet (Éditions Mare Nostrum, 2002) par Bernard Revel, que nous remercions de nous autoriser à la mettre en ligne.
– lire son billet : Bernard Revel, « Tout Claude Simon dans la Pléiade » (Les Vendangeurs littéraires, 3 septembre 2013)