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un ciel trop bleu au bord d’une mer trop bleue
jeudi 28 juin 2012, par
La carte postale représente une esplanade plantée de palmiers qui s’alignent sous un ciel trop bleu au bord de mer trop bleue. Une longue falaise de façades blanches éblouissantes, aux ornements rococo, s’incurve doucement en suivant la courbe de la baie. Des arbustes exotiques, des pots de cannas sont plantés entre les palmiers et forment un bouquet au premier plan de la photographie. Les fleurs des cannas sont coloriées d’un rouge et d’un orangé criards. Des personnages au costume clair vont et viennent sur la digue qui sépare l’esplanade de la plage. L’encrage des différentes couleurs ne coïncide pas exactement avec les contours de chacun des objets, de sorte que le vert cru des palmiers déborde sur le bleu du ciel, le mauve d’une écharpe ou d’une ombrelle mord sur l’ocre du sol ou le cobalt de la mer. La carte est posée sur le coin d’une table de cuisine recouverte d’une toile cirée aux carreaux jaunes, rouges et roses, fendue d’entailles en plusieurs endroits par les lames de hachoirs ou de couteaux qui ont glissé. Les lèvres effilochées des entailles se soulèvent et on peut voir la trame marron.
Claude Simon, Triptyque (Minuit, 1973, incipit, p. 7-8). Pléiade, 1, p. 743