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les couleurs des robes aux teintures végétales
dimanche 21 octobre 2012, par
Quoiqu’il fît encore un jour, de gros rats gris couraient ici et là sur le sol de l’esplanade entourée de bâtiments dont les façades se dressaient dans la suffocante lumière du jour finissant. Sur l’un des côtés, un groupe d’hommes vêtus d’amples robes discutait avec véhémence, gesticulant comme sous l’emprise de quelque terreur, de l’impuissance et du désarroi. Les couleurs des robes aux teintures végétales étaient : ocre, lilas, bronze, jonquille, olive, safran, l’une d’elles rayée orange et gris, comme ces couvertures qu’on voit dans les bazars orientaux, une autre indigo et turquoise. Lassés des palabres, des cris, deux des personnages s’éloignèrent à la fin tandis que d’autres, à côté, s’efforçaient d’écarter les enfants du corps à demi nu (peut-être l’avait on dégrafée pour l’aider à respirer) d’une femme aux chairs déjà grises affalée sur le sol. Impuissants ou curieux deux hommes observaient la scène d’un balcon.
Claude Simon, Le Jardin des Plantes (Minuit, 1997, p. 106-107). Repris dans Œuvres. 1, Pléiade, p. 977.