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glissant imperceptiblement sous l’avion
dimanche 19 février 2012
Dans le noir on commence peu à peu à distinguer vers l’est une mince ligne rose séparant le ciel de la mer de nuages. Elle s’élargit en s’étirant en même temps qu’elle change de couleur, un moment rouge feu, puis saumon, reflétée par le bord d’attaque de l’aile et l’ouverture arrondie des réacteurs. Tout est gris. La lueur n’a pas encore atteint la couche grumeleuse des nuages dont les moutonnement parallèles et monotones s’étendent à perte de vue, sans un trou, sans une fissure, glissant imperceptiblement sous l’avion qui semble suspendu, immobile, métallique et sans poids au-dessus de quelque planète gazeuse, de quelque astre mort, hors du temps, inhabité et glacé.
Claude Simon, Le Jardin des Plantes, Minuit, 1997, p 221