Accueil > Claude Simon > Citations > blanc presque bleuâtre
blanc presque bleuâtre
samedi 4 février 2012
la nuit laiteuse remplissait aussi la rue lumière venant de partout et de nulle part il y avait de sombres silhouettes d’hommes çà et là appuyés aux murs aux troncs aux arbres silencieux attendant quoi comme si le sommeil ici était impossible de grands oiseaux blancs voletaient se posaient sur la chaussée déserte faisaient quelques pas s’envolaient tous sans bruit l’oiseau de Minerve prend son vol à la tombée de la nuit
je pensais que le vieil homme avait droit au silence à la paix là-bas au bord du vieux grand fleuve qui coule lentement vers les océans glacés
comme je ne lui caressais plus le ventre le chien-renard me regarda un instant interrogatif de ses petits yeux doux puis il s’est relevé s’est secoué est parti vers les bois
souples coulées de lait l’un passé sur l’épaule de l’homme avec qui elle dansait
sur la pelouse l’homme au complet de bronze était toujours là soudé à sa chaise de bronze cravaté de bronze regardant gravement devant lui les mains posées sur ses cuisses
blanc presque bleuâtre
grand cadavre d’arbres tous dans le même sens dans les jours sans fin les nuits sans fin certains avaient l’air de gigantesques insectes d’avant le déluge squelettes myriapodes cheminant sur leurs pattes tordues
Claude Simon, Archipel et Nord (Minuit, 2009), p 32-34