Association des Lecteurs de Claude Simon

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Séminaire 44 : Expériences et violences chez Claude Simon

samedi 23 novembre 2024, par Christine Genin

David Zemmour et Dominique Viart

Expériences et violences chez Claude Simon

Le 44ème séminaire de l’ALCS est exceptionnel. Pour célébrer les 40 ans du Prix Nobel et commémorer les 20 ans de la mort de Claude Simon, l’Association des Lecteurs de Claude Simon a choisi la ville de New York, du 5 au 7 juin 2025 en coorganisation avec la City University of New York, et notamment Jerry Carlson.

ALCS’ 44th seminary is an exceptional event. To celebrate the 40th anniversary of Claude Simon Nobel Prize, and the 20th anniversary of his passing, we chose the city of New York, in association with the City University of New York, and notably Jerry Carlson.

« Je croyais apprendre à vivre, j’apprenais à mourir »
Léonard de Vinci, épigraphe de La Route des Flandres (1960)

L’œuvre de Claude Simon est avant tout affaire d’expérience : expérience du monde et expérience d’écriture.
C’est sur ces deux plans également que peut être appréhendée l’idée d’une violence qui habite l’œuvre de Simon.
Ce séminaire exceptionnel invite ainsi à interroger les différentes façons par lesquelles peuvent s’articuler ces deux modalités de rapport au monde et à l’écriture.
Les communications seront présentées en anglais ou en français.

Claude Simon’s work is above all a matter of experience : experience of the world and experience of writing.
It is on these two levels, too, that the idea of violence that inhabits Simon’s work can be understood.
This exceptional seminar invites us to examine the different ways in which these two modes of relating to the world and to writing can be articulated.
Communications will be presented in English or French.

Programme

Toutes ces communications étaient accessibles en ligne.

Jeudi 5 juin

16h : Le séminaire s’ouvre par deux conférences :

 Alastair Duncan : « Violence in Simon’s Novels : victimes and perpetrators »

 Gerald Prince : « Teaching La Route de Flandres »

Vendredi 6 juin

9h : Accueil des participants

9h30 : Sur Le Jardin des Plantes / On The Jardin des Plantes. A Novel

 Laurence Cadet : « “À quoi bon des poètes en temps de détresse ?” (Hölderlin). La réponse de Claude
Simon dans Le Jardin des Plantes. » (à distance)
 Alain Froidevaux : « Le passage du témoin (de Claude Simon à Maryline Desbiolles) » (à distance)
 Chiara Falangola : « Entre mélancolie et violence : images du Temps et de l’Histoire dans Le Jardin des
Plantes
 » (à distance)

11h15 : Écopoétique / animalité du cri / Ecopoetic / screams and animality

 Roméo Koffi : « Écopoétique des violences corporelles et verbales dans La Bataille de Pharsale et
Histoire de Claude Simon » (à distance)
 Alina Cherry : « Voicing the Cry : The Violence of the Human Experience »

12h20 – 13h45 : Déjeuner / Lunch break

13h45 : De l’expérience de la violence à la poétique de la suspicion / From the violence’s experience to the poetic of suspicion

 Romain Billet, « Les statues meurent aussi »

 Nicolas Servissole, « La violence faite à la langue : une expérience du discontinu » (à distance)

 Piet Lincken, « Des “signes” au “sens” du pourquoi écrire ? » ou comment expériences et violences
s’articulent chez Claude Simon dans son Discours de Stockholm » (annulée)

16h : Conclusion

 Dominique Viart, « Écrire je. La difficile expérience de la première personne »

Nous remercions notamment Jerry Carlson et Romain Billet pour les photographies.

 Sur le site de la CUNY

 Télécharger le flyer

Appel à communication

L’œuvre de Claude Simon est avant tout affaire d’expérience : expérience du monde et expérience d’écriture. Expérience du monde parce que l’univers romanesque de Claude Simon convoque une conscience appréhendant un monde qui, familier ou inédit, est toujours perçu comme nouveau et surprenant pour les personnages qui l’appréhendent, plaçant le rapport au monde sous le signe du phénoménologique et de l’apprentissage. « Je croyais apprendre à vivre, j’apprenais à mourir », dit l’une de citations épigraphes de La Route des Flandres. Et l’on sait que Simon avait initialement d’intituler Une éducation sentimentale le roman qui devint L’Acacia.

Expérience d’écriture aussi, par la dimension expérimentale qu’on a pu prêter à l’œuvre de Simon, en particulier dans sa période la plus formaliste parfois nommée « nouveau nouveau roman », mais aussi parce que le romancier envisage lui-même l’écriture comme expérience vécue, ainsi qu’il l’a exprimé dans de nombreux entretiens. Ainsi de cette déclaration, « Le roman se fait, je le fais et il se fait », reprise comme titre d’un entretien accordé aux Lettres françaises en 1967 [1] ; ou encore de ce conseil de Raoul Dufy que Simon reprend à son compte : « Il faut savoir abandonner le tableau que l’on voulait faire au profit de celui qui se fait [2].

C’est sur ces deux plans également que peut être appréhendée l’idée d’une violence qui habite l’œuvre de Simon. Du côté thématique, il s’agit avant tout de la violence de l’histoire (la guerre, les idéologies, la colonisation), mais aussi des rapports sociaux, des relations familiales, ou encore des rapports entre l’homme et la nature ; violence physique, morale et symbolique ; violence individuelle ou collective… De l’autre ce qui peut être ressenti comme la violence d’une écriture éminemment transgressive, comme en témoigne « La bataille de la phrase », titre anagramme de La Bataille de Pharsale donné par Jean Ricardou à l’une de ses études les plus célèbres [3].

Claude Simon : Experiences and Violence

Claude Simon’s work is above all a matter of experience : experience of the world and experience of writing. Experience of the world, because Claude Simon’s novelistic universe summons a consciousness that apprehends a world, whether familiar or unfamiliar, that is always perceived as new and surprising by the characters who apprehend it, placing the relationship to the world under the sign of phenomenology and learning. “I thought I was learning how to live, but I was learning how to die”, says one of the epigraphic quotes from The Flanders Road. And we know that Simon originally called the novel that became The Acacia A Sentimental Education.

There is also writing as experience. In the experimental dimension that has been attributed to Simon’s work, particularly in his most formalist period, sometimes referred to as the “nouveau nouveau roman”, the novelist himself sees writing as a lived experience, as he has expressed in numerous interviews. For example, “The novel is made, I make it and it is made”, is the title of an interview he gave to Lettres françaises in 1967 ; or Raoul Dufy’s advice, echoed by Simon : “You have to know how to abandon the picture you wanted to make in favor of the one that’s being made”.

It is on these two levels, too, that the idea of violence that inhabits Simon’s work can be understood. On the thematic side, it’s primarily a question of the violence of history (war, ideologies, colonization), but also of social relations, family relationships, or the relationship between man and nature ; physical, moral and symbolic violence ; individual or collective violence... On the aesthetic side, what can be felt as the violence is an eminently transgressive style of writing, as evidenced by “the battle of the phrase”, the anagram title of The Battle of Pharsalus given by Jean Ricardou to one of his most famous studies.

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Bibliographie indicative

Anne-Lise Blanc, « La guerre comme expérience des limites dans l’œuvre romanesque de Claude Simon », dans Pierre Glaudes et Helmur Meter (dir.), L’Expérience des limites dans les récits de guerre (1914-1945), Genève, Slatkine, 2001, p. 213-228.

Celia Britton, « Instant Replays : the Reintegration of Traumatic Experience in Le Jardin des Plantes », dans Jean Duffy et Alastair B. Duncan (dir.), Claude Simon. A retrospective, Liverpool, Liverpool university press, été 2002, p. 61-76.

Inès Cazalas, Catherine Delesalle-Nancey, Judith Sarfati Lanter (dir.), Expériences de l’histoire, poétiques de la mémoire : Joseph Conrad, Claude Simon, António Lobo Antunes, Neuilly, Atlande, 2018.

Raymond Gay-Crosier, « Points de rencontre et points de choc. Désir transformateur et violence génératrice : Claude Simon et l’acte de lecture », dans Le Roman [Colloque 7-10 sept. 1994], Oslo, Université d’Oslo, 1995, t. II, p. 307-320.

Marie Hartmann, « Mémoires de disparu. “Il n’est pas facile de raconter à présent” », dans Lucas Salza (dir.), Crise de l’expérience et création artistique après la Grande Guerre, Sesto San Giovanni, Mimésis, sept. 2018, p. 117-131.

Rainer Warning, « Les espaces de mémoire de Claude Simon : La Route des Flandres », Cahiers Claude Simon, 2005, p. 103‑133.

Marie-Albane Watine, Ilias Yocaris, David Zemmour (dir.), Claude Simon, une expérience de la complexité, Paris, Classiques Garnier, 2020.

Cécile Yapaudjian et Pascal Mougin (dir.), Cahiers Claude Simon, n°16 (« Guerres et batailles. »), 2021.

David Zemmour, « Claude Simon et l’expérience émotionnelle de la langue », Siècle 21, Littérature et société, n°28, 2016, p. 144-155 (repris dans Maylis de Kerangal sur les grands chemins de Claude Simon, Carnets de Chaminadour, 11, 2016, p. 199-213).

Mots-clés

New York 

[1« Claude Simon : “Le roman se fait, je le fais et il se fait” », entretien avec Josane Duranteau, Les Lettres Françaises, n°1178, 13-19 avril 1967, p. 3-4.

[2Ludovic Janvier et Claude Simon, « Réponses de Claude Simon à quelques questions écrites de Ludovic Janvier », Entretiens, 31, 1972, p. 15-29. Repris dans Cahiers Claude Simon, n°9, 2014, p. 9-23. »

[3Jean Ricardou, « La Bataille de phrase », Critique, n° 274, Minuit, 1970, p. 226-256.