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Rauschenberg, Robert
mercredi 15 février 2012, par
Robert Rauschenberg (22 octobre 1925 – 12 mai 2008)
Artiste américain
- voir : Fondation Rauschenberg
À l’automne 1968, Claude Simon se rend pour la première fois à New York, il découvre la ville et visite notamment le Musée d’Art moderne, où il admire, entre autres, des œuvres de Robert Rauschenberg.
Charlène (1954, Stedelijk Museum, Amsterdam)
mon dernier livre [Orion aveugle] est né de la considération (j’emploie ce mot plutôt que celui de méditation, chargé par l’usage de significations plus ou moins religieuses ou philosophiques) des propriétés du grand tableau de Robert Rauschenberg intitulé Charlène qui se trouve au Stedelijk Museum d’Amsterdam. Il va naturellement de soi, qu’à la différence d’une figure géométrique dont les propriétés sont les mêmes pour tous, ces propriétés de Charlène sont, pour chacun, différentes, chacun, bien sûr, étant à même d’en découvrir d’autres, tout aussi valables.
En plus du fait que Rauschenberg est américain, que j’ai pu voir (et photographier) à New York certaines boutiques, dans le Bowery ou ailleurs, dont les éléments (fragments de moulures, tôles rouillées ou papier goudronnés remplaçant les glaces brisées, inscriptions à la peinture dégoulinante, fragments ou éléments de mannequins (jambes, torses) en matière plastique, reproductions de tableaux, images déchirées ou jaunies de magazines, etc.) rappelaient étrangement les éléments employés par Rauschenberg ou d’autres peintres ou sculpteurs américains pratiquant comme lui l’art de ‘l’assemblage’ ou du ‘collage’, ce tableau a eu la propriété d’appeler ou de faire surgir d’autres images (d‘autres figures) – de New York puis du continent américain, d’autres encore – qui sont venues […] s’agglutiner autour de la figure considérée au départ.Claude Simon, « La fiction mot à mot » [Colloque de Cerisy, 1971], p. 1195 dans Œuvres, 1, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2006
Figurent parmi les illustrations d’Orion aveugle :
Charlène (1954, Stedelijk Museum, Amsterdam, p. 16-17 et p. 49)
et Canyon (1959, Sonnabend Collection, New York, p. 59) ;
Simon évoque également :
Factum II (1957, MOMA. Museum of Modern Art, New York)
et Odalisque (1955-1958, Museum Ludwig, Cologne).
La composition, la combinaison de ces matériaux ‘bruts’, des bouts de tissu, la peinture dégoulinante, des photos ou des reproductions commerciales d’œuvres d’art, parfois voilées d’un glacis, des morceaux de bois, etc. […] Autre exemple d’une illustration ‘après coup’ : le Rauschenberg qui accompagne le texte intitulé « Parenthèse » que j’ai publié dans la Revue de la Bibliothèque nationale. Je l’ai vu à l’occasion d’un voyage, tout à fait fortuitement, au musée de Cologne. Je me sens très près de ce peintre. Il y avait, dans mon texte, l’histoire de ce personnage qui fréquente les bordels : le Rauschenberg reposait sur un oreiller, on pouvait voir sur les faces de ce cube des photos naïves de femmes nues, la reproduction d’un tableau classique (Amour et Psyché) y était intégrée (‘intertextualité’)... Et pas seulement cela une certaine ‘coloration’ générale... […] j’y ai senti quelque chose d’analogue à ce que j’avais essayé de faire. Les peintres ont ce formidable avantage de pouvoir présenter (ou si tu préfères : ‘faire parler’) en même temps une quantité de choses et de les harmoniser.
Claude Simon, « Attaques et stimuli », entretien avec Lucien Dällenbach le 22 février et le 30 mars 1987, p. 180-181 dans Claude Simon, Paris, Seuil, coll. « Les Contemporains », 1988.