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Marie-Hélène Lafon. Chantiers (2015)
jeudi 24 septembre 2015, par
Dans son recueil d’essais Chantiers (Éditions des Busclats, 2015), Marie-Hélène Lafon reprend sous le titre « Avançons » (p. 73-88), une version réécrite du beau texte sur Claude Simon qu’elle avait lu le 11 décembre 2013 à l’Auditorium du Petit Palais sous le titre « Album ».
Elle écrit notamment, à propos de la lecture de Claude Simon et de ce qu’elle fait à sa propre écriture :
(...) celui qui lit doit consentir à s’engloutir dans une matière opaque, feuilletée et compacte à la fois, dense, mouvante comme le sont des sables, matière vivante qui serait la muqueuse même du temps.
Le temps de la narration passe et ne passe pas, s’enroule sur lui même, coagule, s’épaissit, se déploie en réseaux infimes, labyrinthiques, intriqués les uns dans les autres, plus ou moins matérialisés sur la page par des parenthèses, des tirets, des virgules ou des points. Ma conscience de lectrice avance par poussées térébrantes et, ce faisant, je suis traversée et submergée à la fois par des vagues temporelles simultanées autant que successives. Je vais au texte et il vient à moi, je l’incorpore et il m’avale, je m’enfonce et il s’enfonce.
Retournant à l’établi, retrouvant le chantier d’écriture, ainsi éprouvée, travaillée au corps, je me surprends à oser davantage certains décrochements narratifs qui disloquent la chronologie, la retournent, la secouent, la déplient, la déploient, le rythme du récit s’en trouvant, à mon sens, à la fois assoupli, fluidifié, et dynamisé, enrichi d’un surcroît de tension.
On appellerait ça tourner des épaisseurs de temps, comme on tournerait une sauce dans une casserole susmentionnée, ou comme on tournerait la valse peut-être,
(...) (p. 86-87)
– lire aussi ce qu’écrit aujourd’hui même Claro dans son blog : « Marie-Hélène Lafon : ruminer silence ». Le Clavier cannibale, 24 septembre 2015