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Le buste de Lacombe Saint Michel
jeudi 12 juin 2014, par
Cette photographie, qui remonte au début du siècle dernier, représente le buste du général Jean-Pierre Lacombe Saint-Michel qui, pendant l’enfance de Claude Simon, dominait le salon de l’hôtel familial rue de la Cloche d’or à Perpignan.
Ce buste figure Jean-Pierre Lacombe Saint Michel en empereur romain. Il a probablement été exécuté à la fin de la carrière militaire du général, vers 1810, alors qu’il avait environ 57 ans. Sur la plaque de bronze figure l’inscription : « Lacombe St. Michel général de division inspecteur de l’artillerie grand officier de la légion d’honneur chevalier de la couronne de fer ».
Dans Les Géorgiques, Simon décrit le buste de son personnage LSM :
C’est à Montmorency, dans la propriété achetée pour sa femme, qu’il profite d’un congé de maladie octroyé à la suite des certificats délivrés par le service de santé pour faire exécuter son buste par un sculpteur. Sur le visage aux traits épais, au nez légèrement camard, la chair encore ferme se gonfle en bourrelets puissants. Les mèches de la crinière toujours aussi abondantes retombent en un habile désordre sur les épaules drapées d’une toge à l’antique. La coloration froide et uniforme du matériau utilisé, les globes des yeux sans prunelles à demi cachés par les sourcils broussailleux, les deux rides profondes entre ceux-ci, le cou nu de taureau, gras et annelé, qui projette la tête en avant dans un mouvement d’orateur ou de tribun, la toge, confèrent à l’ensemble un aspect solennel, intemporel. Il émane du conflit entre le poids de la tonne de marbre poli et la grisaille fantomatique dans laquelle sont indistinctement confondus les chairs, la chevelure et le vêtement, quelque chose de contradictoire, comme l’apparition de quelque spectre sans existence réelle et pourtant pondérable.
Les Géorgiques (Minuit, 1981, p. 68. Pléiade, p. 686-687) (voir aussi notamment, dans l’édition Minuit, p. 172, 196-197 et 234).
– La photographie est reproduite avec l’aimable autorisation de François Buffet, qui l’a publiée et commentée dans Claude Simon. La mémoire du roman. Lettres de son passé 1914-1916 (Les Impressions nouvelles, 2014, p. 151)