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Dominique Morigeon
mardi 3 novembre 2015, par
Ni universitaire, encore moins spécialiste, mais modeste « professeur des écoles », « titre » un peu prétentieux auquel je préfère celui, sans doute un peu désuet mais plus humble et évocateur d’instituteur (celui qui instruit, met en possession de connaissances nouvelles : éclaire) je n’en suis pas moins pour autant lecteur de l’œuvre de Claude Simon.
Je me souviens... hiver 1992. J’habite à Lyon depuis plusieurs mois et depuis quelque temps, grâce à celle qui allait quelques années plus tard devenir ma femme, puis la mère de ma fille, je lis de la « vraie » littérature, m’intéresse à différents « mouvements » ou « courants » de l’écriture contemporaine sous toutes ses formes, découvre avec avidité et enthousiasme les auteurs des éditions de Minuit, ceux dit du « nouveau roman ». Je me souviens... Être à l’étage des livres d’occasions de la librairie Gibert, quai du Rhône, (aujourd’hui disparu), alors qu’encore étudiant je n’ai pas les moyens de m’offrir mes livres à la Librairie des Nouveautés, place Bellecour, (aujourd’hui disparue également). Au milieu des nombreux ouvrages, je recherche ceux qui font référence aux auteurs ou aux éditions que je lis... Et j’ouvre Les Géorgiques ... quelques lignes à peine et déjà (mais comment trouver les mots justes ?) le sentiment de ne jamais avoir encore rien lu d’aussi extraordinaire, une joie, un plaisir, une jubilation instantanée (et que je retrouve toujours, à chaque relecture, intacte), devant cette écriture, son rythme, son souffle, tous ses possibles, la « poésie » de ses phrases... Je lis ensuite « tout » Claude Simon, ses « romans », mais aussi ses passionnantes conférences (y compris les études qui lui sont consacrées, mêmes si souvent celles-ci me paraissent bien trop obscures et proprement illisibles !), parvient même à me procurer La corde raide, mais toujours pas Le tricheur ... Mon admiration devient telle que je « rêve » de le rencontrer, trouve son numéro de téléphone (dans l’annuaire ! mais sans jamais oser l’appeler, de peur de l’importuner), me rends place Monge (parcours le jardin des plantes) et même à Salses et Perpignan !... Lorsque j’apprends son décès, ma tristesse et mon désespoir sont grands. Je n’aurais jamais eu le courage de le rencontrer (mais au fond pour lui dire quoi, à part mon admiration et Merci ?)... Heureusement, ses livres sont là. Je reviens toujours à lui, à ses livres, lis d’autres choses (certaines, bien sûr, que je pense excellentes) mais n’ai jamais rien lu qui me procurait autant d’intenses bonheurs de lecteur (en ce moment La bataille de Pharsale) ... Je peux avouer que la lecture de Claude Simon a non seulement totalement bouleversé mon regard sur la « littérature » et l’écriture, mais aussi très certainement profondément ma vie.
Dominique Morigeon