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Claude Simon : une expérience de la complexité. Appel à communications
lundi 10 août 2015, par
APPEL À COMMUNICATIONS
Claude Simon : une expérience de la complexité
Colloque international - Nice, 6-8 octobre 2016
Laboratoires BCL et LIRCES
Université de Nice - Sophia Antipolis
Responsables :
Marie-Albane Watine, Ilias Yocaris et David Zemmour
Quel amateur de Claude Simon n’a été confronté à une réaction de lecture qui souligne la résistance, la difficulté, voire l’illisibilité de son œuvre foisonnante ? Simon évoquait déjà dans son Discours de Stockholm « les griefs qui [lui] ont été faits d’être un auteur "difficile", "ennuyeux", "illisible" ou "confus" » – bien que lui-même se soit dans certains entretiens défendu d’« écrire des choses compliquées ». Plus que compliqués, les récits simoniens sont sans doute complexes ; et s’ils sont parfois perçus comme difficiles, c’est peut-être que « les textes qui imposent ou requièrent des parcours interprétatifs complexes, non-connexes, ramifiés, indéfinis, en boucle, [sont] rejetés comme illisibles, ou normalisés » (F. Rastier). Nous entendons explorer la productivité herméneutique de la notion de complexité pour cette œuvre, que celle-ci s’appréhende au niveau de la perception du monde, de la composition des textes simoniens ou encore de leur réception.
La complexité peut être provisoirement définie comme le fait qu’un ensemble (textuel) soit constitué de parties ou de niveaux hétérogènes qui interagissent en même temps de plusieurs manières différentes, faisant émerger des propriétés sémantiques nouvelles ; son appréhension appelle dès lors à un certain décloisonnement théorique et disciplinaire. Le colloque sera ainsi l’occasion d’articuler les approches thématiques de l’œuvre simonienne avec des approches plus formelles, afin de penser la complexité des ouvrages de Simon en abordant simultanément leur inscription dans un contexte historique précis, leur ancrage théorique et générique, leurs soubassements énonciatifs, leur fonctionnement référentiel, leur contenu isotopique, leur texture linguistique.
Nous proposons de centrer les communications autour des axes suivants :
Modèles et référents culturels
Simon parle de son style comme de « la façon la plus simple […] de dire des choses horriblement compliquées ». On se demandera donc si la complexité de son œuvre peut renvoyer à une expérience cognitive, à un certain état historique ou politique du monde : ceci semble assurément plausible, mais n’y a-t-il pas aussi (inversement) une expérience du simple, de « l’idiot » ? Comment s’articule-t-elle à la complexité ? Peut-on rattacher cette dernière à une vision du monde informée par des modèles philosophiques, scientifiques ou artistiques ? Répondre à ces questions permettrait de mener une réflexion approfondie sur des composantes essentielles de la poétique simonienne comme la représentation de la simultanéité, l’émergence de contradictions (théoriques et narratives) de toutes sortes, ou encore la tension entre unité et fragment. Dans quelle mesure, enfin, la difficulté de certains textes repose-t-elle sur le fait que certains référents historiques, politiques, biographiques sont à élucider ou inférer par le lecteur ? En abordant tous ces points, on tentera d’appréhender l’impact de la complexité en termes non seulement cognitifs mais aussi éthiques ou esthétiques.
Genres et formes littéraires
Des textes contemporains de l’œuvre simonienne sont également réputés susciter des difficultés de lecture : on pourra donc s’interroger sur la spécificité des enjeux et des formes de la difficulté chez Simon. Au sein même des ouvrages de ce dernier, il existe sans doute des degrés et des formes différentes de complexité, celle de Triptyque ne se situant pas sur le même plan que celle du Jardin des Plantes. Ainsi, le collage textuel et la poétique fragmentaire – qui peuvent compromettre la construction d’un texte unitaire – ne relèvent pas du même type de complexité que la composante intersémiotique de certains textes (Femmes, Le Jardin des Plantes).
Il n’est pas jusqu’aux textes critiques et entretiens de Simon qui ne manifestent une certaine complexité, par exemple dans l’interaction de divers positionnements théoriques éventuellement contradictoires. Ceci nous amène à poser une autre question : comment Simon évoque-t-il lui-même la difficulté supposée de ses textes ?
Formes linguistiques de la complexité
L’effet de texte complexe repose nécessairement sur des formes identifiables au niveau linguistique. On a, par exemple, souvent mentionné la phrase longue de Simon comme facteur de résistance à la lecture : comment ses particularités énonciatives, grammaticales et syntaxiques s’articulent-elles à la complexité textuelle ? Il est naturellement possible de revenir sur l’alternance des voix et la superposition des points de vue, mais on pourra également explorer d’autres pistes : le fonctionnement et la densité des figures de style, le rôle de la polysémie, la complexité isotopique des récits simoniens et la façon dont ces différents niveaux d’analyse (ou « modules ») interagissent.
Dans tous les cas, on essaiera de déterminer quelles théorisations linguistiques ou stylistiques semblent le plus à même de rendre compte de la complexité simonienne.
Critique et théorie
Bien que la critique d’obédience formaliste ait à certains égards montré sa puissance heuristique pour modéliser l’interaction et la structuration de différents niveaux textuels, elle s’est avérée à d’autres égards beaucoup trop restrictive. Quels cadres théoriques, quels outils semblent aujourd’hui les plus appropriés pour penser la complexité des textes simoniens ? Quel est le palier d’analyse le plus opératoire, énoncé, fragment, œuvre entière ? L’analyse génétique des avant-textes peut-elle éclairer la génération et la sélection des formes complexes ? Autant de questions auxquelles il n’est pas toujours possible d’apporter des réponses simples et définitives, mais qui doivent à tout le moins être posées dans le cadre d’une approche ouverte et dialogique de l’œuvre simonienne.
Les propositions, comprenant entre 1500 et 3000 signes et incluant une courte bibliographie, sont à adresser à babouss@aol.com avant le 15 mars 2016.
Comité scientifique (en cours de constitution)
Michel Bertrand (Aix Marseille Université), Jean Duffy (University of Edinburgh), Alastair Duncan (University of Stirling), Jacques Isoléry (Université de Corte), Jean Kaempfer (Université de Lausanne), Franck Neveu (Université Paris-Sorbonne), Nathalie Piégay-Gros (Université de Genève), Geneviève Salvan (Université Nice Sophia Antipolis), Marie-Albane Watine (Université Nice Sophia Antipolis), Ilias Yocaris (Université Nice Sophia Antipolis), David Zemmour (CPGE, Paris)
Bibliographie restreinte
Berthomieu Gérard, « Sur une figure critique du roman. La liste des lieux-dits dans La Route des Flandres de Claude Simon », in Sophie Milcent-Lawson, Michelle Lecolle & Raymond Michel dirs, Liste et effet liste en littérature, Paris, Classiques Garnier, « Rencontres », 2013, p. 73-96.
Bertrand Michel (dir.), Dictionnaire Claude Simon, Paris, Champion, 2013.
Boucheron Sabine, « La ponctuation dans le texte : parenthèses, sujets et linéarité dans l’incipit du Palace de Claude Simon », Recherches linguistiques de Vincennes, 28, 1999, p. 33-39.
Britton Celia, Claude Simon : Writing the Visible, Cambridge, Cambridge University Press, 1987.
Carroll David, The Subject in Question : the Languages of Theory and the Strategies of Fiction, Chicago/Londres, The University of Chicago Press, 1982.
Chambers Ross, « Le texte “difficile” et son lecteur », in Lucien Dällenbach & Jean Ricardou dirs, Problèmes actuels de la lecture, Paris, Clancier-Guénaud, 1982, p. 81-93.
Dällenbach Lucien, Claude Simon, Paris, Seuil, « Les Contemporains », 1988.
Duffy Jean H., Reading Between the Lines : Claude Simon and the Visual Arts, Liverpool, Liverpool University Press, 1998.
Evans Michael, Claude Simon and the Transgressions of Modern Art, New York, Saint Martin’s Press, 1988.
Genin Christine, L’Expérience du lecteur dans les romans de Claude Simon, Paris, Champion, 2000.
Gollut Jean-Daniel & Zufferey Joël, « Claude Simon : une dialectique de la référence », Poétique, 174, 2013, p. 273-287.
Jost François, « Les aventures du lecteur », Poétique, 29, 1977, p. 77-89.
Laurichesse Jean-Yves, « L’illisible à grands pas : faire son chemin dans le texte de Claude Simon », in Ricard Ripoll dir., Stratégies de l’illisible, Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, 2005, p. 43-59.
Minich Brewer Mária, Claude Simon. Narrativities without Narrative, Londres/Lincoln, University of Nebraska Press, 1995.
Morin Edgar, Introduction à la pensée complexe, Paris, Seuil, 1990.
Neveu Franck, « Le problème des niveaux de l’analyse syntaxique dans La Route des Flandres », L’Information grammaticale, 76, 1998, p. 38-41.
Orr Mary, Claude Simon : the Intertextual Dimension, Glasgow, University of Glasgow French and German Publications, 1993.
Piat Julien,
« Conscience phrastique et faits de prédication : l’illisible linguistique dans le Nouveau Roman », in Claire Badiou-Monferran, Frédéric Calas, Julien Piat & Christelle Reggiani dirs, La Langue, le style, le sens, Paris, L’Improviste, 2005, p. 203-214.
« Vers une stylistique des imaginaires langagiers », Corpus, 5, 2006, p. 113-141.
Piégay-Gros Nathalie, Les Géorgiques de Claude Simon, Paris, PUF, « Etudes littéraires », 1996.
Rannoux Catherine, L’Écriture du labyrinthe : Claude Simon, La Route des Flandres, Orléans, Paradigme, « Références », 1997.
Rastier François, « L’obscure clarté », La lecture littéraire, n°3, L’Illisible, 1998, p. 251-269.
Ricardou Jean,
« La bataille de la phrase », in Pour une théorie du nouveau roman, Paris, Seuil, « Tel Quel », 1971, p. 118-158.
« Le dispositif Osiriaque », in Nouveaux problèmes du roman, Paris, Seuil, « Poétique », 1978, p. 179-243.
Riffaterre Michael, « Orion voyeur : l’écriture intertextuelle de Claude Simon », MLN, 103, 4, septembre 1988, p. 711-735.
Rioux-Watine Marie-Albane, La Voix et la frontière. Sur Claude Simon, Paris, Champion, « Littérature de notre siècle », 2007.
Sarkonak Ralph,
Claude Simon : les carrefours du texte, Toronto, Paratexte, 1986.
Les Trajets de l’écriture : Claude Simon, Toronto, Paratexte, 1994.
Sarkonak Ralph dir., Claude Simon 1. À la recherche du référent perdu, Paris, Minard, « La Revue des Lettres Modernes », 1994.
Sykes Stuart, Les Romans de Claude Simon, Paris, Minuit, « Critique », 1979.
Watine Marie-Albane, « La transcription fidèle d’une discussion critique : fonctions de l’effacement énonciatif. Sur Le Jardin des Plantes », La Critique dans l’œuvre littéraire, M. Bouchardon et M. Dufour-Maître dir., 2015, p. 51-75.
Yocaris Ilias, L’Impossible totalité. Une étude de la complexité dans l’œuvre de Claude Simon, Toronto, Paratexte, 2002.
« Vers un nouveau langage romanesque : le collage citationnel dans La Bataille de Pharsale », Revue Romane, 43, 2, 2008, p. 303-327.
Yocaris Ilias & Zemmour David, « Qu’est-ce qu’une fiction cubiste ? La "construction textuelle du point de vue" dans L’Herbe et La Route des Flandres », Semiotica, 195, 2013, p. 1-44.
Zemmour David,
« Présence stylistique de Faulkner dans les romans de Claude Simon », in Ralph Sarkonak dir., Claude Simon 4. Le (dé)goût de l’archive, Paris, Minard, « La Revue des Lettres Modernes », p. 175-193.
Une syntaxe du sensible : Claude Simon et l’écriture de la perception, Paris, PUPS, « Travaux de stylistique et de linguistique françaises / Bibliothèque des styles », 2008.