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comment appelle-t-on cela mascaret je crois
mardi 28 février 2012, par
notre sang se ruant refluant en grondant dans nos membres se précipitant à travers les ramifications compliquées de nos artères comme comment appelle-t-on cela mascaret je crois toutes les rivières se mettant à couler en sens inverse remontant vers leurs sources, comme si nous avions un instant été vidés tout entiers comme si notre vie toute entière s’était précipitée avec un bruit de cataracte vers et hors de nos ventres s’arrachant s’extirpant de nous de moi de ma solitude se libérant s’élançant au-dehors se répandant jaillissant sans fin nous inondant l’un l’autre sans fin comme s’il n’y avait pas de fin comme s’il ne devait plus jamais y avoir de fin (mais ce n’était pas vrai : un instant seulement, ivres croyant que c’était toujours, mais un instant seulement en réalité comme quand on rêve que l’on croit qu’il se passe des tas de choses et quand on rouvre les yeux l’aiguille a à peine changé de place) puis cela reflua se précipitant maintenant en sens inverse comme après avoir buté contre un mur
Claude Simon. La Route des Flandres (Minuit, 1960, p. 250)