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Traduction chinoise d’un extrait de L’Acacia

jeudi 1er mai 2014, par Christine Genin

Texte français

Et à la fin elle trouva. Ou plutôt elle trouva une fin — ou du moins quelque chose qu’elle pouvait considérer (ou que son épuisement, le degré de fatigue qu’elle avait atteint, lui commandait de considérer) comme pouvant mettre fin à ce qui lui faisait courir depuis dix jours les chemins défoncés, les fermes à demi détruites et les troquets aux senteurs d’hommes avinés. C’était un tout petit cimetière, circulaire, d’une vingtaine de mètres de diamètre au plus, entouré d’un mur de pierres meulières comme on en voit aux pavillons de banlieue et dont les piliers de chaque côté du portail étaient surmontés d’une croix de fer peinte en noir. La majorité des tombes étaient celles de soldats allemands, mais elle alla tout droit à l’une d’elles un peu à l’écart, que sans doute quelqu’un (quelqu’un qui avait eu pitié d’elle — ou plutôt d’elles — ou peut-être avait simplement voulu s’en débarrasser) lui avait indiquée et sur laquelle, en allemand et sur une plaque métallique, puis en français sur une planchette plus récemment apposée, était simplement écrit que se trouvaient les corps de deux officiers français non identifiés. Il avait enfin cessé de pleuvoir et un soleil de fin d’été jouait au-delà des murs sur les feuillages du petit bois (le cimetière était situé en arrière et à l’est de la zone d’environ dix kilomètres de large que semblait avoir suivie l’espèce de tornade géante détruisant tout sur son passage) dont certaines branches commençaient à dorer. Elle s’avança jusqu’à l’inscription, la lut, recula jusqu’à l’endroit où devaient approximativement se trouver les pieds des morts, fléchit les genoux puis se releva, fouilla dans son sac, en sortit un mouchoir qu’elle étala sur le sol, s’agenouilla alors, fit s’agenouiller le garçon à côté d’elle, se signa, et abaissant la tête se tint immobile, les lèvres remuant faiblement sous le voile enténébré. Quelque part dans les feuillages encore mouillés étincelant dans le soleil, un oiseau lançait son cri. Il n’y avait personne d’autre dans le cimetière que les trois femmes et l’enfant, c’est-à-dire la veuve et le garçon agenouillés et, un peu en arrière, les deux autres femmes debout, tenant à la main leurs sacs et leurs parapluies refermés, immobiles, les lèvres immobiles dans leurs immobiles visages ravinés, leurs yeux soulignés de poches, bordés de rose, couleur de faïence et taris.

Claude Simon, L’Acacia (Minuit, 1989, p.24-26)

Traduction chinoise par Jufang Jin :

最后她终于找到了。或者说她找到了终结----至少是某种能够让她认为(或者她的精疲力竭,她所达到的疲惫程度迫使她认为)可以为令她连续六日奔波于崎岖的道路、破败的农舍和醉酒男人的臭味之间的事情做个了结的东西。这是个很小的墓地,圆形,至多二十来平米,围着粗砂岩石块垒成的围墙,和郊区楼房的围墙一样,栅栏门两边的扶垛上立着两个涂了黑漆的铁十字架。大部分是德国士兵的坟墓,但她径直走向其中位置较偏的一座,大概有人(某个可怜她----或者她们的人,或者也许仅仅是某个想要打发她们的人)先前已经指给她看过了,那上面仅有德语在一块金属牌子上写着此处埋着两个不明身份的法国军官的尸体,然后同样的话用法语写在一块新近树立的木牌上。雨终于止住了,夏末的阳光在墙外矮树的叶片上游戏(墓地位于某个十公里见宽的区域的东后方,那里似乎被一场扫荡一切的龙卷风风洗劫过了),有些枝条开始变黄了。她径直走到墓碑前,读毕,然后退到大约是死者脚部的位置,蹲下,继又立起,在手袋里翻找,取出一帕手绢摊在地上,复又跪下,并让男孩也跪在旁边,划了十字,随后低下头不动了,双唇在背光的面纱下微微翕动。树叶还是湿的,在阳光下闪着光,一只鸟儿在树丛中啾啁。墓地里没有别人,只有三个女人和孩子,也就是说,寡妇和男孩跪在地上,另两个女人一动不动立在身后,手里拎着包和收起的雨伞,她们没有表情的脸上沟壑纵横,双唇紧闭着,干涸的灰蓝色眼睛下眼袋很深,眼周泛出一圈粉红色。

Traduction chinoise lue par Jufang Jin :


Jufang Jin

Auteure d’une thèse sur Claude Simon et l’écrivain chinois contemporain Yu Hua, Jufang Jin a publié une traduction chinoise de L’Acacia chez Nanjing university Press. Elle a également publié un article et un dossier sur « La Réception de Claude Simon en Chine » dans les Cahiers Claude Simon, 8, 2013.

Mots-clés

Chine  Jin, Jufang  L’Acacia  Traduction