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Perpignan : Monument aux morts

lundi 4 août 2014, par Christine Genin

Situé au bout de la Promenade des Platanes, le Monument aux morts de Perpignan est du au sculpteur Gustave Violet (1873-1952) et a été inauguré le 2 novembre 1924. Claude Simon, dont le père a été "tué à l’ennemi" le 27 août 1914, avait 11 ans.

Gustave Violet a figuré trois registres superposés dans la pierre de calcaire, jaune pour le cadre principal, blanche pour la prédelle. Ces trois niveaux semblent séparés et murés dans leur silence : regards absents et bouches muettes des personnages.

Sur la prédelle, en bas, les enfants du Roussillon : de gauche à droite l’agriculture (une femme portant une grappe de raisin), l’artisanat (un homme portant un outil dans la main droite, un bâton, une besace, chaussé de sabots), la pêche (un pêcheur, filet sur l’épaule et pantalon retroussé).

Au-dessus, le tableau d’autel est divisé en deux reliefs.
En bas, le sujet central évoque une scène religieuse qui rappelle les personnages d’une Déposition ou d’une Mise au tombeau. En son centre, sont représentées trois femmes pleurant sous le voile du deuil, qui évoquent irrésistiblement la mère et les deux tantes cherchant la tombe du père dans L’Acacia. À leur droite, la mère et une petite fille (avec une coupe de cheveux à la mode des années vingt), à leur gauche le père et un jeune garçon représenté à l’âge qu’avait Claude Simon lors de l’inauguration du monument.

En couronnement, sous l’inscription en capitales colorées de rouge : MORTS POUR LA PATRIE, est figurée une ascension du soldat mort, casqué, les yeux vides, comme porté par les Anges dans un cadre rectangulaire qui rappelle la forme d’une tombe.

Claude Simon évoque ainsi ce monument dans Le Tramway :

Monument en grès rose du pays et aussi haut qu’une maison de deux étages, élevé en bordure du jardin public et où sur un fond de marbre noir (comme une page de deuil encadrée d’un matériau précieux) s’allongeaient les interminables colonnes de noms dorés à la feuille des morts de la ville bizarrement symbolisés sous la forme de trois personnages grandeur nature taillés à grands coups de ciseau dans une pierre blanche, et où, grâce aux accessoires dont ils étaient pourvus, on pouvait reconnaître un marin-pêcheur son filet sur l’épaule, un vigneron un pied sur sa pelle et un maçon la truelle à la main, les trois personnages comme seulement ébauchés (volontairement, symboliquement ?), rugueux (la boue des tranchées ?) et que le sculpteur (apparenté à la riche famille qui produisait un apéritif réputé) avait disposés non pas sur un rang mais selon un léger arc de cercle comme si, insoucieux des passants ou des spectateurs, ils étaient là non pour se montrer mais comme sortis du royaume des morts et converser entre eux. Endroit où, tournant à droite et offrant pendant un instant son flanc à la vue des collégiens déconfits, le tramway disparaissait définitivement dans ce prolongement coudé du boulevard du Président-Wilson qui, changeant de nom à partir de là, ne portait plus que celui d’une personnalité locale. (p. 35-36)

 à lire aussi : l’évocation de ce monument par Hélène Verdier, à qui sont dues certaines des photographies ci-dessus.

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Perpignan  Verdier, Hélène