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éminemment productrices et, en elles-mêmes, engendrantes

mercredi 15 août 2012, par Jacques d’Anglejan

Et pour qualifier ce travail de l’écrivain (qui, dans son détail ou son ensemble, me fait toujours penser au titre de ce chapitre du cours de mathématiques intitulé : « Arrangements, permutations, combinaisons »), il existe un mot lui convenant admirablement. Il a été employé par Lévi-Strauss mais, je crois, avant lui déjà, par le cercle de Prague ; c’est celui de bricolage.

Je ne connais pas, en effet, de terme qui mette mieux en valeur le caractère tout à fait artisanal et empirique de ce labeur qui consiste à assembler et organiser, dans cette unité dont parle Baudelaire est où elles doivent se répondre en échos, toutes les composantes de ce vaste système de signes qu’est un roman. Cela se fait par tâtonnements successifs : il y a des éléments qu’il faut raboter ou limer pour les intégrer et les ajuster, d’autres auxquels on se voit, au contraire, obligé d’ajouter, d’autres que l’on avait cru excellents et que l’on est forcé de rejeter, d’autres enfin qu’il faut « fabriquer » (ce mot si péjoratif sous la plume de certains critiques !…) pour remplir un vide… Et le plus fascinant, la révélation peut-être capitale qu’apporte ce travail, c’est que ces nécessités purement formelles, loin de constituer des gênes ou des obstacles se révèlent être éminemment productrices et, en elles-mêmes, engendrantes.

Claude Simon, « La Fiction mot à mot » (Communication au Colloque de Cerisy Le Nouveau Roman, en 1972). Reprise dans Œuvres, 1 , Bibliothèque de la Pléiade, p. 1201-1202

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Bricolage  Nouveau Roman