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Vous comprenez, c’était trop

mardi 1er janvier 2013, par Jacques d’Anglejan

Et il cesse de lutter. « Parce que, me dit-il, la seule chose à laquelle il soit impossible de résister, c’est la parole, en tous cas lorsqu’elle est utilisée comme fly-tox. Alors je restais là, résigné et impuissant, à me demander ce qu’il pouvait bien me vouloir, le regardant aller et venir dans sa robe de chambre prétentieuse et minable avec son cache-col de soie autour du cou comme il avait dû voir, sur les photographies des magazines, qu’en portent dans l’intimité les hommes chics ou les écrivains à la mode. Tout ce que j’espérais, c’était que ce sang allait s’arrêter de couler et que je pourrais alors me lever et le mettre à la porte. Mais pour le moment ça continuait. Et puis j’étais fatigué, sans force. Vous comprenez, c’était trop. J’en avais déjà suffisamment fait et vu pendant cette journée et maintenant j’étais dans cet état où l’on supporterait n’importe quoi pourvu qu’on n’ait pas à bouger ni à faire d’effort. C’était en réussissant à me faire allonger qu’il m’avait eu. Et sans doute le savait-il, et savait-il que c’était le moment d’en profiter et il en profitait, mais tout ce que je pouvais faire c’était de me tenir le plus tranquille possible en espérant que de cette façon, comme il l’avait dit, ça s’arrêterait bientôt.

Claude Simon, Le Vent, Minuit, 1975, p. 131-132

Mots-clés

Ironie  Le Vent