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un fragile anachronisme

mercredi 18 septembre 2013, par Jacques d’Anglejan

Quoique s’étendant d’un côté jusqu’au boulevard illuminé de cafés et de bars dont les nymphomanes américaines, les philosophes venus d’Europe centrale, les poètes vrais ou faux, les peintres et leurs modèles également vrais ou faux animaient les nuits, le collège dont les cours et les bâtiments couvraient presque la surface d’un pâté de maison avait son entrée, à l’opposé, sur une rue silencieuse au nom à la fois marial et champêtre qui, comme celui de l’église proche, semblait un fragile anachronisme au milieu des immeubles de rapport, des hôtels plus ou moins louches, des cinémas et des ateliers d’artistes qui l’avaient peu à peu enserré.
Comme si, avec ses pelouses et ses calmes jardins, ses
fades statues de plâtre, ses dortoirs éclairés de veilleuses et
sa chapelle, le collège aussi, anachronique lui-même, persistait
là à la façon d’un corps étranger, impossible à expulser,
un îlot, une place assiégée et imprenable opposant à la
cosmopolite agitation des cafés et des bars un invincible,
sévère et hautain silence.

Claude Simon, Le Jardin des Plantes (Minuit, 1997, p. 1789, Pléiade, I, p. 1038)

Photographie du Collège Stanislas, Paris (Wikimédia)

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