Association des Lecteurs de Claude Simon

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Avant que je me mette à tracer des signes sur le papier il n’y a rien ...

samedi 4 février 2012

Je ne connais pour ma part d’autres sentiers de la création que ceux ouverts pas à pas, c’est-à-dire mot après mot, par le cheminement même de l’écriture.

Avant que je me mette à tracer des signes sur le papier il n’y a rien,
sauf un magma informe de sensations plus ou moins confuses, de
souvenirs plus ou moins accumulés, et un vague -très vague- projet.
C’est seulement en écrivant que quelque chose se produit, dans tous
les sens du terme. Ce qu’il y a pour moi de fascinant, c’est que ce
quelque chose est toujours infiniment plus riche que ce que je me
proposais de faire.

Il semble donc que la feuille blanche et l’écriture jouent un rôle au
moins aussi important que mes intentions, comme si la lenteur de l’acte
matériel d’écrire était nécessaire pour que les images aient le temps de
venir s’amasser (cependant, parfois, celles-ci arrivent plus vite, et je suis
obligé de m’interrompre pour les noter rapidement en marge). Ou peut être ai-je besoin de voir les mots, comme épinglés, présents, et dans
l’impossibilité de m’échapper ?…

Claude Simon. Début de la Préface manuscrite d’Orion aveugle (Skira, Les
sentiers de la création, 1970)

Mots-clés

Écriture  Orion aveugle