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Robbe-Grillet, Alain

vendredi 7 janvier 2022, par Christine Genin

La récente publication de Nouveau Roman. Correspondance, 1946-1999, apporte un éclairage intéressant sur les relations amicales mais parfois un peu tendues entre Claude Simon et Alain Robbe-Grillet.

Claude Simon écrit par exemple à ce dernier :

« Cher Alain et Directeur Littéraire, […]
Comment ai-je pu avoir l’étourderie (moi le Monsieur Jourdain du « Nouveau Roman » qui fais de la prose sans le savoir […]) de donner l’autre jour mon accord […] lorsque notre Président Directeur Général m’a proposé de collaborer à ce fameux Dictionnaire ?
Pauvre de moi, qui n’ai ni théorie, ni d’autre préoccupation que de trouver (péniblement) le meilleur moyen d’exprimer (copier) mes émotions, sans plus (émotions toutes bêtes et toutes simples, comme la peine de perdre une vieille tante, ou le plaisir de regarder voler un oiseau, ou la trouille en entendant siffler des balles, ou la perplexité dans laquelle me plonge le suicide, ou retrouver une odeur, ou une couleur, et rien d’autre), et serais donc bien embarrassé de vous suivre dans des considérations de haute métaphysique comme par exemple la salvation du genre humain en le débarassant de l’angoisse (moi qui suis typiquement un angoissé) […].
Il se peut que plus tard (vous savez, je suis un peu « demeuré ») je comprenne, mais pour le moment non — alors pourquoi se faire violence ? […]
Je ne crois pas qu’il y ait de lois en art, sinon pour être bénéfiquement transgressées), et je ne vois pas trop où nous pourrions aller ensemble sur le terrain de l’éthique (ou si vous préférez de l’engagement, ou si vous préférez de la littérature « utile », ou si vous préférez du roman considéré comme un moyen (délivrer l’humanité de son angoisse) et non comme fin) qui semble vous être chère.
Non que je me moque (ne croyez pas cela : vous auriez tort) de vos théories. Simplement ce ne sont pas les miennes […]. » (début 1961 ? p. 209-211)

Et bien plus tard, à la fin des années 1980 qui ont vu le Prix Nobel récompenser l’œuvre de Simon, on peut lire cet amusant échange (5 et 8 décembre 1987, p. 292) :

« Mon cher Claude,
Est-ce que tu ne deviendrais pas un peu dingo ?
Bien cordialement, »

« Mon cher Alain,
Bien reçu ton alarmante question.
Figure-toi qu’il y a deux ans, je me suis (et je n’ai pas été le seul…) posé le même à ton sujet.
Amusant non ?
Bien cordialement. »

Illustration : Alain Robbe-Grillet et Claude Simon sur la célèbre photographie de Mario Dondero (1959)

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