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Joanna Kotowska-Miziniak
dimanche 13 juin 2021, par
La Séparation – une lecture de crise (pandémique)
Je m’appelle Joanna Kotowska-Miziniak, je suis enseignante à l’université de Wroclaw en Pologne, passionnée par le Nouveau Roman et surtout par Claude Simon, ainsi que par Gaston Bachelard et ses quatre éléments de la nature.
Pour cette période difficile du (ou plutôt des) confinement(s), j’ai choisi l’unique pièce théâtrale de Simon, La Séparation, dont le titre même évoque la situation dans laquelle nous étions contraints à vivre dans la pandémie du COVID : à distance, séparés l’un de l’autre.
Je suis, d’ailleurs, en train de traduire La Séparation, vu qu’il n’a que deux traductions de Simon accessibles en langue polonaise (La Route des Flandres, datant d’il y a 40 ans et dont le langage à l’ancien se lit plutôt mal, et L’Invitation, tombée dans l’oubli depuis une trentaine d’années), ce que je trouve très dommage et, du coup, ce manque m’interpelle...
La traduction est une de plus profondes analyses du texte qui puisse être, parce qu’elle cherche à comprendre ce qui est bien au-delà des mots, afin de rendre la réalité par une autre réalité et pas les mots par d’autres mots. Et donc je me suis mis à une lecture attentive de cet ouvrage longtemps oublié – depuis 1963.
La Séparation se voit refuser par Jérôme Lindon à cause de sa forme plutôt classique (elle est conforme au modèle de la tragédie grecque, comme le note Mireille Calle-Gruber) et donc trop éloignée des tendances avant-gardistes du Nouveau Roman. Elle ne figure même pas dans les deux volumes de la Pléiade. Mais, réédité en 2019, La Séparation a la chance d’être redécouverte et finalement appréciée – pourquoi pas de nouveau sur une scène de théâtre ?
Avant de partager ma lecture avec vous, rappelons-nous brièvement l’intrigue de la pièce :
L’ouvrage est un drame bourgeois qui reprend les motifs du roman L’Herbe. L’action se passe dans une maison à la campagne, maison tout envahie par la mort : d’un côté il s’agit d’une odeur âcre de la pourriture des hectares des poires mures tombées par terre et de l’autre, par l’agonie de Marie, la vieille tante du protagoniste. Le titre même évoque le dispositif théâtral qu’est une cloison séparant deux cabinets de toilette, disposés en symétrie miroir, l’un appartenant à Georges, universitaire raté reconverti dans l’agriculture, et sa femme Louise, prête à quitter son époux pour un amant ; et le deuxième cabinet où vivent (ou plutôt végètent) les parents de Georges, Pierre, obèse, immobile et lassé de tout, et Sabine, décrite comme une « pie jacassante ». Grace à cette mince cloison, on observe les deux couples de manière quasi simultanée vivre un drame de leurs vies malheureux.
Le récit est écrit dans le style rhizomique, propre à Simon, il se ramifie dans plusieurs directions, il multiplie des souvenirs et des réalités hypothétiques superposées sur la réalité, mêle les axes temporels et les personnages.
Je vous propose d’écouter un petit fragment s’étalant sur les pages 22-26 (les éditions du Chemin de fer de 2019). L’extrait est accessible sur le site de l’éditeur (la numérotation est cependant différente : p. 24-28).
Merci de votre attention.
– Traductrice en herbe… Joanna Kotowska-Miziniak a publié L’eau et la terre dans l’univers romanesque de Claude Simon en 2017.