Accueil > Claude Simon > Extraits théoriques > Je ne donne jamais l’autorisation de lire mes textes en public
Je ne donne jamais l’autorisation de lire mes textes en public
samedi 7 septembre 2013, par
13 mai [illisible]
Madame,
Je ne donne jamais l’autorisation de lire mes textes en public. Comme la peinture, la littérature est avant tout le royaume du silence, et la moindre intonation déplacée peut fausser du tout au tout le sens. Le « gueuloir » de Flaubert (tellement vanté, hélas en France...) est, en fait, une ridicule stupidité et il s’y développe en effet un malheureux goût de l’emphase et du « beau style » où disparait toute la formidable acuité de ses notes préliminaires ;
Votre lettre, cependant, m’a profondément touché et, tout à fait exceptionnellement, je vous permets de faire lire à haute voix le ou les textes de votre choix en vous demandant de façon expresse de veiller à ce que soient évités toute déclamation ou tout effet de voix*
Ma famille paternelle est originaire des Planches-près-Arbois, petit hameau au fond de la vallée de la Cuisance encaissée de hautes falaises rocheuses. Les sœurs de mon père étaient de ces femmes admirables (deux d’entre elles institutrices dont vous évoquez en justes termes les exceptionnelles qualités.
En vous remerciant de votre attention, je vous prie de croire, Madame, à mes sentiments les plus cordiaux.
Claude Simon
*Il va de soi qu’aucun enregistrement ne pourra être pris.
Lettre communiquée par Réa Simon le 27 mars 2013