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Yocaris, Ilias. « La stylistique simonienne : état des lieux » (2009)

dimanche 3 mai 2015, par Joëlle Gleize

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Remarques introductives

Le développement exponentiel des études simoniennes depuis une vingtaine d’années a donné lieu à des avancées méthodologiques et herméneutiques considérables : l’épuisement progressif des approches strictement « psychomémorielles », qui semblent avoir atteint désormais leurs limites, est largement compensé par l’éclosion d’une multitude de travaux s’inspirant de l’histoire de l’art (Duffy 1998, 2000, Ferrato-Combe 1998), la sémiotique de l’image fixe et mobile (B. Bonhomme 2005, Mecke 2006 ; cf. aussi Rannoux & Bikialo éds 2004), la philosophie derridienne (Rioux-Watine 2007), l’épistémocritique (Yocaris 2002), la linguistique de corpus (Mougin 1995, Mougin & Rebollar 1997, Blumenthal 2006), la poétique de l’autofiction (Thouillot 2004) etc. Reste toutefois un domaine qui se présente encore (dans une certaine mesure) comme une terra incognita : il s’agit du style de Claude Simon. Les quelques dizaines de travaux spécifiquement consacrés aux particularités formelles de l’écriture simonienne ne représentent qu’un pourcentage quantitativement négligeable des cinq ou six cents études sur Simon recensées depuis le début des années 1960. Leur intérêt est néanmoins indéniable, et pour cause : ils constituent un point d’appui indispensable pour qui veut étudier les romans simoniens sans réduire (voire ignorer) arbitrairement leur extraordinaire complexité discursive, qui leur confère une richesse conceptuelle et esthétique éclatante [1] . Il nous a donc semblé important de faire le point sur la question, en dégageant ici un certain nombre de lignes directrices : de la sorte, le lecteur pourra situer les articles présentés plus loin dans un cadre conceptuel plus vaste, aux contours nettement esquissés.

Les travaux sur le style de Claude Simon publiés à ce jour abordent essentiellement cinq points :
(a) l’aspect « métareprésentatif » des récits simoniens ;
(b) les rapports entre style et narration ;
(c) les procédés scripturaux liés à l’intertextualité sous toutes ses formes ;
(d) l’emploi des figures du discours ;
(e) les rapports entre style et syntaxe.

Voyons tout cela d’un peu plus près.

La dimension métatextuelle des récits simoniens : splendeurs et misères du formalisme ricardolien

Les études portant sur l’aspect « métareprésentatif » (Ricardou 1990 : 247) des romans simoniens s’inspirent toutes, d’une manière ou d’une autre, des travaux de Jean Ricardou sur Claude Simon. Il serait hors de propos de dresser ici un bilan théorique complet du formalisme ricardolien, nous nous contenterons donc de quelques remarques succinctes.

L’objectif fondamental de Ricardou et, dans une certaine mesure, de ses épigones les plus fidèles (M. Bertrand, M. Evans) est, comme on le sait, de pointer et d’analyser les procédés stylistiques qui contribuent à « mettre en évidence le texte dans sa matérialité » (Ricardou 1978 : 279), afin de montrer que ce qui est perçu généralement (par les critiques assujettis à « l’idéologie dominante ») comme « l’écriture d’une aventure » (Ricardou 1971 : 32) est en réalité « l’aventure d’une écriture » (ibid.). D’une telle démarche herméneutique, on n’a retenu, 30 ans plus tard, que les inconvénients méthodologiques, il est vrai caricaturaux : une approche strictement « autotélique » et anhistorique du fait littéraire, un monologisme théorique devenu de plus en plus pesant au fil des années, une conception visiblement normative du métadiscours critique et enfin, last but not least, une tendance à s’enfermer dans un périmètre opérationnel somme toute très restreint, puisque les rares incursions de Ricardou en dehors de son pré carré (les Nouveaux Romanciers, Proust, Roussel, Mallarmé) n’ont pas donné (c’est le moins qu’on puisse dire) des résultats très probants… Un examen plus attentif des ouvrages issus de la mouvance ricardolienne montre toutefois, nous semble-t-il, que les jugements extrêmement négatifs portés sur cette mouvance par les représentants d’une certaine critique mériteraient pour le moins d’être nuancés.

Malgré leurs limites intrinsèques et leurs tares congénitales, les approches « textualistes » constituent in fine un grand pas en avant, dans la mesure où elles ont permis pour la première fois de modéliser la complexité narrative et stylistique des récits simoniens. Cet effort de modélisation, sans équivalent à ce jour, passe par une réflexion sur le concept de « surdétermination », utilisé également (comme le rappelle Ricardou) dans les travaux de Freud et d’Althusser (cf. Ricardou 1978 : 256-265). Le recours systématique à ce concept [2] à permis à Ricardou et à ses épigones de montrer que, dans les romans de Claude Simon, « aucun détail n’est gratuit » (Bertrand 1960 : 160), puisque chaque constituant textuel se trouve relié à son cotexte (proche ou éloigné) de deux manières différentes : (i) par des liens syntagmatiques qui relèvent d’un mode d’organisation « linéaire » ; (ii) par des liens analogiques qui relèvent d’un mode d’organisation « tabulaire » [3]. Le travail de « composition » scripturale ainsi entrepris consiste très précisément à intriquer deux agencements discursifs distincts, qui correspondent respectivement à ces deux modes d’organisation : un agencement « horizontal » de constituants verbaux plus ou moins contigus en fonction d’un ordre syntaxico-narratif fluctuant [4], inhérent à telle ou telle œuvre simonienne ; un agencement « vertical » découlant de la création de connexions analogiques « à distance » en vertu d’un ordre poétique lui aussi fluctuant, lié à un projet compositionnel précis. Ainsi par exemple (pour s’en tenir à un effet de surdétermination microtextuel), Michael Evans (1988 : 113-114) s’attarde entre autres sur l’évocation d’un personnage de La Bataille de Pharsale : ce personnage (une femme) est en train de lire un roman intitulé La Potenza e la Gloria (ou bien La Forza del destino), plongé dans « ce monde verdâtre que représent[e] le dessin sur la couverture » (BP, 172 ; nous soulignons). Or, comme le montre Evans, le choix du caractérisant en l’occurrence est tout sauf fortuit ... Le lecteur doit deviner que « verdâtre » ne se rattache pas seulement (en vertu d’une logique purement « référentielle », voire « autobiographique ») au substantif qui lui sert de support (« monde »), mais aussi (par le biais des deux intitulés mentionnés plus haut) à deux désignateurs rigides absents du texte simonien : le nom de l’auteur du livre The Power and the glory (Graham Greene), le nom du compositeur de l’opéra La Forza del destino (Giuseppe Verdi). Bien entendu, un tel phénomène découle directement du projet compositionnel qui régit La Bataille de Pharsale, Simon s’attachant à constituer dans ce roman un espace discursif caractérisé notamment par deux traits : (a) le développement d’une série de connexions multidirectionnelles « rhizomatiques » entre des unités discursives fondamentalement hétérogènes (cf. Simon 1972 : 94-95, Deleuze & Guattari 1980 : 14, 31, Yocaris & Zemmour 2010) ; (b) la transformation du texte littéraire en une sorte d’« installation » artistique, par le biais d’un « système de renvois » qui permettent de le prolonger au-delà des limites « matérielles » du livre qui en est le support, en le transformant en un événement vécu par le lecteur (cf. Yocaris 2008b : 320-322). Ignorer purement et simplement les procédés scripturaux liés à une démarche de ce genre entraîne un appauvrissement herméneutique regrettable, puisqu’un tel mode d’organisation discursive soulève en réalité une série de questions portant sur la « mise à égalité du microcosme et du macrocosme » (Bertrand 1987 : 163) dans les romans simoniens, le positionnement ontologique de ces romans par rapport aux catégories kantiennes de l’unité, de la pluralité et de la substance, les processus de (sur)codage sémiotique, le choix, la nature et la fonction des données textuelles d’inspiration autobiographique, la dimension « schématisante » [5] de la construction narrative et phrastique etc.

Les travaux d’inspiration ricardolienne constituent donc en réalité, abstraction faite des considérations portant sur « le détournement de l’illusion référentielle au profit de l’effet de production » (Jost 1977 : 89), une mine d’idées d’une richesse virtuellement inépuisable : les développements théoriques liés à la métatextualité et la surdétermination sous toutes leurs formes permettent de penser la sursémiotisation des signifiants verbaux dans les récits simoniens (v. p. ex. Ricardou 1971a : 135-136), la constitution de réseaux analogiques morpho-sémantiques (v. Neumann 1983 : 158, 169, 182 et passim), la mise en place d’un espace fictionnel « non local » [6] dans Triptyque et Leçon de choses (v. Ricardou 1978’ : 230-243, Dällenbach 1977 : 193-197), la « profonde désintégration de la perspective narrative » (Evans 1988 : 47 ; nous traduisons) qui se fait jour dans des romans comme La Route des Flandres , La Bataille de Pharsale ou Les Géorgiques etc. On déplorera simplement [7] le fait que les critiques d’obédience ricardolienne ne prennent pas en considération, loin de là, tous les procédés utilisés dans les récits simoniens pour créer des effets de surdétermination : Ricardou lui-même se focalise ainsi sur la manipulation des signifiants verbaux, les récurrences lexicales et isotopiques, les références intertextuelles et les rapprochements analogiques d’ordre métaphorique, en négligeant d’autres phénomènes pourtant tout aussi importants comme les réactivations étymologiques, l’emploi de tropes « surmotivés » (cf. Yocaris 2002 : 146-166) etc.

Les rapports entre style et narration : un défi immense

Les études stylistiques portant sur la construction narrative des romans simoniens s’attachent pour la plupart à mettre en lumière les techniques discursives liées à la « motivation des structures narratives » (Jost 1977 : 78) : comment la configuration macrostructurale de tel ou tel roman, telle qu’elle a été esquissée dans certains cas par l’auteur lui-même (cf. Simon 1972), a-t-elle déterminé l’émergence d’un « code » narratif spécifique ? Pour répondre à cette question, on a pu étudier :

• les schémas compositionnels que l’on peut dégager à partir d’une œuvre donnée (v. p. ex. Roubichou 1976 : 264, Sykes 1979 : 40, 68, 134 et passim, Yocaris 2002 : 90, 116, 119, 120 et passim, Yocaris & Zemmour 2015)
• les modalités de déploiement de la diégèse (v. p. ex. Jost 1977, Kelly 1978-1979, 1985, Sarkonak 1986 : 87-158, 2000, Hubert de Phalèse 1997 : 49-67, Gaultier et Ippolito 2000)
• les rapports entre construction narrative, énonciation et syntaxe (Fitch 1964, Lanceraux 1973, 1974, Hesbois 1976, Roubichou 1976, Miraglia 1990, Alexandre 1997, Rannoux 1997, Yocaris 2006a ; cf. Viart 1997)
• les rapports entre construction narrative et intertextualité (Reitsma-La Brujeere 1992, Andrews 2000)
• les « tropes implicitatifs » [8] et/ou les effets de référence « infratextuelle » (cf. Sarkonak 1986 : 132-148, 1994 : 35, 96, Sarkonak 2008, Yocaris 2005) qui permettent dans certains cas de figure de convoquer le référent textuel « entre les lignes » sans l’expliciter
• l’émergence de « lieu[x] commun[s] simonien[s] » (Orace 2005 : 218) et d’effets d’ « autostéréotypie » (Orace 2001)
• les rapports entre construction narrative, ponctuation et disposition typographique du texte (Piégay-Gros 1994, Rannoux 2000), etc.

Les développements portant sur ces points sont pour la plupart assez consistants, et permettent d’esquisser toute une réflexion sur « la puissante homologie situationnelle, métaphorique et métonymique » (Gay-Crosier 1986 : 319) qui découle du travail de « stylisation » des formes narratives tel que le conçoit Simon. Il n’en demeure pas moins que les recherches en la matière n’en sont encore (à vrai dire) qu’à leurs balbutiements, et ce pour quatre raisons : (a) l’extrême complexité des interactions entre le niveau narratif, le niveau énonciatif et le niveau phrastique dans les romans simoniens ; (b) le cloisonnement disciplinaire institutionnalisé (en France) entre « linguistique », « études littéraires » et « philosophie », qui empêche de mettre au point des outils d’analyse permettant de rendre compte de ces interactions de manière réellement efficace ; (c) l’absence corrélative d’un paradigme théorique de référence susceptible de fournir aux exégètes un cadre conceptuel et méthodologique solide, en cristallisant un certain nombre d’intuitions interprétatives ; (d) la raréfaction progressive des indications fournies par Simon sur la structure de ses propres textes à partir du début des années 1980. Le défi auquel se trouvent confrontés les simoniens du 21ème siècle est donc immense : s’aidant de la monumentale édition « Pléiade » des œuvres de Simon publiée en deux volumes (2006, 2013) [9], il s’agit de « cartographier » en quelque sorte tous les romans postérieurs au Sacre du printemps, en diagrammatisant leur construction d’ensemble, en restituant les différents dispositifs énonciatifs qui s’y trouvent imbriqués, en mettant au jour une par une leurs articulations internes et enfin en montrant comment leur intégration holistique dans « l’espace d’une totalité » qui « semble unir indissolublement les livres [simoniens] les uns aux autres » (Orace 2005 : 259) leur confère des significations nouvelles.

Les procédés liés à l’intertextualité

Assez nombreuses, les études consacrées aux références intertextuelles dans l’œuvre de Simon sont très précieuses, en raison de la prolifération anarchique de fragments citationnels parfois difficiles à identifier dans bon nombre de romans (La Route des Flandres, Histoire, La Bataille de Pharsale, Les Géorgiques, Le Jardin des Plantes etc.). Les recherches menées dans cette direction ont été consacrées essentiellement à cinq objets d’étude :

• Les phénomènes d’« intertextualité générale », autrement dit les références à des textes autres que ceux de Claude Simon (Evans 1981, Duncan 1983, Fletcher 1985, Andrews 1994, Orr 2002, Bertrand 2008 etc.)
• Les phénomènes d’« intertextualité restreinte », en d’autres termes la mise en place d’un réseau de renvois « intra-intertextuels » au sein même de l’œuvre simonienne (Holter 1981, Orr 1993 : 175-191, Orace 2001)
• La dimension « métareprésentative » des procédés scripturaux liés au collage citationnel (Van Rossum-Guyon 1971)
• Les interactions qui se développent entre les différents « vecteurs textuels qui forment la dynamique du cycle textuel simonien » (Gay-Crosier 1986 : 339), à savoir le texte, l’intertexte général, l’intertexte restreint (ou « intra-intertexte »), l’« altertexte » [10] et le « métatexte » [11] (Gay-Crosier 1986)
• Le choix et la signification des épigraphes (Ricardou 1971a : 124-127, Lanceraux 1974 : 3, Roubichou 1976 : 53-61, Bertrand 1987 : 135, Reitsma-La Brujeere 1992 : 13, Yocaris 2002 : 27-28, 73, 100-101 etc.)

Toutefois, force est de constater qu’il subsiste encore un grand nombre de lacunes théoriques, de problèmes non résolus et d’incertitudes méthodologiques. On déplorera tout d’abord une tendance récurrente à se focaliser sur le contenu thématique des citations examinées et les similitudes isotopiques entre celles-ci et le(s) récit(s) qui les englobe(nt) [12] : les fragments citationnels intégrés dans les récits simoniens ne sont pas traités comme des objets verbaux à part entière, et les phénomènes d’hétérogénéité énonciative qui découlent de leur utilisation sont souvent décrits sous un angle plus philologique qu’herméneutique. De ce fait, peu d’exégètes [13] se sont réellement penchés sur la poétique de l’insert citationnel, en étudiant de manière approfondie les modalités du choix et du découpage des citations sélectionnées par Simon, les transformations qu’elles subissent dans leur nouveau cotexte, les effets de surdétermination qu’elles engendrent, les « montages » discursifs ainsi constitués etc. D’autres difficultés sont également à signaler : aucune étude à notre connaissance n’a été consacrée aux procédés utilisés pour rendre cohérents sur le plan sémantique les romans qui généralisent la pratique du collage citationnel comme La Bataille de Pharsale ou Les Géorgiques [14] ; très peu d’auteurs abordent cette pratique sous un angle intersémiotique, en la rattachant par exemple à un certain nombre de techniques picturales héritées du cubisme (cf. Yocaris & Zemmour 2013) ou du dadaïsme (cf. Yocaris 2008b : 319-320) ; on commence à peine à réfléchir sur les phénomènes d’intertextualité dans l’œuvre simonienne en exploitant les acquis de la stylistique génétique [15] ; enfin, last but not least, les travaux que nous avons mentionnés s’en tiennent en général à des analyses portant sur les citations identifiables comme telles, au détriment des effets de polyphonie bakhtinienne [16] et/ou des références d’ordre interdiscursif [17] comme le pastiche du langage « faubourien » qui se fait jour dans Leçon des choses (pp. 59-70, 119-130).

L’emploi des figures de style : un vaste chantier

Aussi étrange que cela puisse paraître, on ne dispose à l’heure actuelle que d’un nombre très restreint de travaux spécifiquement consacrés à l’emploi des figures de style dans l’œuvre de Simon : les rares chercheurs qui se sont aventurés sur ce territoire auront légué à la postérité des études sur la comparaison simple ou hypothétique (van Apeldoorn 1979, Hubert de Phalèse 1997 : 68-75), la métaphore (Caminade 1975, Albers & Nitsch éds 2006), l’antithèse (Duffy 1988) et l’allégorie (Isolery 2000 [18] ). Ce désintérêt est d’autant plus surprenant que la figuralité du langage se trouve exploitée dans les romans simoniens de toutes les manières possibles et imaginables, comme on peut le constater en feuilletant n’importe quel dictionnaire de stylistique… Par la force des choses, on se contentera donc ici d’esquisser, à titre purement indicatif, un certain nombre de pistes susceptibles d’être explorées dans les années à venir. Les réflexions menées sur la dimension proprement rhétorique de l’œuvre simonienne pourraient être articulées autour des objets d’étude suivants :

• La dimension transgressive de l’emploi figural du langage, les effets de « variation » qui en découlent (cf. Adam 1997 : 29-53)
• La présence dans tel ou tel roman de figures du discours qui constituent autant d’invariants stylistiques (syllepses, énallages, épanorthoses dans La Route des Flandres, aposiopèses dans La Bataille de Pharsale, anacoluthes dans Le Tramway [19] etc.)
• Les phénomènes de polyphonie énonciative liés à l’emploi des figures (cf. Rabatel éd. 2008)
• Le recours simultané à plusieurs figures différentes pour créer localement des effets de synergie stylistique
• L’intrication holistique du local et du global, les interactions entre la texture figurale d’un texte donné et sa structure narrative d’ensemble [20]
• La fonction « schématisante » [21] et cognitive des figures, les modalités d’exploitation de leur « potentiel de conceptualisation » (M. Bonhomme 2005 : 173)

Les rapports entre style et syntaxe : la dimension modélisante de la « phrase simonienne »

Les études stylistiques portant sur la syntaxe simonienne ne sont pas non plus très nombreuses. Leur impact herméneutique est néanmoins décisif, dans la mesure où elles ont permis à la critique de mettre en évidence la dimension modélisante de la « phrase de Claude Simon » : la complexité de cette dernière ne fait que reproduire la complexité d’un référent (perçu comme) protéiforme, insaisissable, irréductible aux catégorisations héritées de la philosophie rationaliste car doté de « propriétés » instables, émergentes, et de contours incertains qui se modifient en permanence. L’importance d’une telle démonstration est cruciale, et ce pour deux raisons. Bien entendu, elle permet d’éclairer les processus de schématisation discursive qui se trouvent au cœur de l’écriture simonienne et constituent la manifestation stylisée d’un vécu historique filtré par une Weltanschauung et une sensibilité particulières. Mais, en même temps, elle met également en évidence de manière éclatante la vraie signification des innovations formelles proposées par les Nouveaux Romanciers. En effet, si ces derniers s’attachent tous à créer dans leurs ouvrages des agencements scripturaux qui s’écartent des normes narratives et phrastiques « traditionnelles », c’est en fonction d’un objectif précis : il s’agit de restituer au roman en tant que genre littéraire sa puissance heuristique, en le rendant de nouveau apte à penser et à ordonner de manière libre et originale « l’infinie complexité de la vie » (Sarraute 1956 : 81). Cette volonté d’affranchir l’écriture romanesque des préconstruits ontologiques et idéologiques hérités notamment des fictions « réalistes » du 19ème siècle ressort d’une manière ou d’une autre quand on étudie de plus près :

• La segmentation des textes simoniens en « clauses » et en « périodes », concepts qui se substituent à celui de « phrase » et permettent de penser plus efficacement la dimension « acentrée » de la syntaxe simonienne (Ruffel 2000, Zemmour 2008, Yocaris & Zemmour 2010 ; cf. Berrendonner & Reichler-Béguelin 1989, Berrendonner 1990, 2002, Piat 2005)
• Les particularités syntaxiques de La Route des Flandres, qui sont la marque de ce que nous avons appelé ailleurs « une poétique de l’indétermination » (Roubichou 1975, Barbéris 1997, Rannoux 1997, Yocaris 2006b)
• Les mécanismes discursifs liés à l’anaphore dans les romans « discohérents » des années 1970 (Yocaris 2006a, 2013a)
• L’emploi « déviant » de la ponctuation (Boucheron 1999, Bikialo 2000, Deneau 2003)
• L’emploi des temps et de l’aspectualité verbale (Bres 1997)
• Les prédicats stylistiques « auctoriaux » (cf. Vouilloux 2005 : 340 et passim) que l’on peut dégager en comparant la syntaxe simonienne et la syntaxe faulknérienne (Zemmour 2005), etc.

Présentation des articles

Ralph Sarkonak aborde le problème de la « dissémination infratextuelle du non-dit » dans Triptyque : partant des remarques formulées à ce sujet par Sylvère Lotringer (1975 : 325, 328) et Anthony Pugh (1976 : 160), il analyse une série de notations qui convoquent implicitement un référent tu dans le texte, à savoir la noyade accidentelle d’une petite fille. La présence-absence de cet événement éminemment traumatique, qui affleure en quelque sorte à la surface du récit sans jamais être explicité, fonctionne en l’occurrence comme un principe organisationnel transformant en signes des éléments linguistiques a priori dépourvus de sens [22] : la noyade de l’enfant et son traitement au niveau narratif sont indirectement verbalisés par le biais d’une série de procédés stylistiques qui confèrent à certaines composantes textuelles une nouvelle signification. Partant d’une homonymie implicite (« noyers » / [« noyée »], p. 8) qui illustre parfaitement ce modus operandi et oriente d’emblée la lecture de son ouvrage, Simon recourt ainsi à un certain nombre de figures et de manipulations discursives actualisant l’isotopie de la mort (syllepses, comparaisons, métaphores, paronomases, réactivations étymologiques, références intertextuelles etc.), mais aussi à des mises en abyme métatextuelles figurant l’effacement énonciatif du récit de la noyade. L’étude de R. Sarkonak ouvre des perspectives herméneutiques nouvelles, et ce à double titre : d’une part elle permet de montrer que Triptyque est plus qu’une simple « illustration du procédé de la mise en abyme généralisée » ; d’autre part elle fournit un certain nombre de données suggérant que ce roman (mais aussi des textes comme Histoire, voire La Route des Flandres) appartient à un genre bien connu de la critique littéraire anglophone, celui de la « trauma-fiction » (cf. Whitehead 2004 : 3, 83-84).

Stéphane Gallon tente d’esquisser une poétique de l’hypotypose simonienne, en examinant le rôle dévolu à cette dernière dans un extrait célèbre de L’Herbe (la scène où Marie remet à Louise une boîte de berlingots). Il note dans un premier temps que l’utilisation de l’hypotypose implique le recours à un certain nombre de procédés dûment codifiés par la tradition rhétorique, et visant tous à rendre les représentations mentales liées au référent textuel « plus vive[s] et plus frappante[s] » : énallages temporelles, emploi de formes déictiques, emploi de vocables actualisant l’isotopie de la sensation, accumulation de caractérisants et de détails descriptifs, manipulations du point de vue énonciatif etc. Il est ensuite amené à constater que cette démarche semble de prime abord dépourvue d’objet, dans la mesure où elle ne permet pas au lecteur (ni même au focalisateur de la scène, Louise) de constituer un groupe stable de perceptions susceptibles de faire l’objet d’une représentation unitaire : l’hypotypose simonienne semble minée « de l’intérieur » par une série de répétitions, de figures d’opposition et d’effets de gradation du concret à l’abstrait qui constituent autant d’écarts par rapport aux hypotyposes « traditionnelles ». Quelle est la signification de ces écarts ? D’après S. Gallon, ils doivent être rattachés à la quête d’un eidos husserlien, « une réalité plus réelle que le réel » (La Route des Flandres, p. 123) qui serait la forme même du temps et se trouverait notamment mise au jour dans l’extrait qu’il commente par un emboîtement de mises en abyme exemplifiant les prédicats /réduplication/, /aspect cyclique/, /répétition à l’infini/.

Michel Bertrand propose une lecture textualiste du Tramway. Dans son étude, il s’attache à montrer que l’isotopie de la conduite, qui fournit le motif dominant de ce roman, est emblématisée par l’image du tuyau, qui s’érige ainsi « en métaphore centrale tant du tissu fictionnel que de son organisation structurelle ». Cette image renvoie tout d’abord aux « raccords » analogiques qui créent des connexions « transversales » entre les différentes composantes du récit simonien ; à ce titre, elle doit être rattachée au vocable « TRANSIT », qui revient à plusieurs reprises dans le texte et constitue ipso facto une mise en abyme (méta)textuelle (cf. Orace 2002 : 36). Le motif du tuyau se trouve par ailleurs associé dans Le Tramway à la couleur jaune. Or, comme le montre M. Bertrand en s’appuyant notamment sur certaines observations de Ricardou (1971a : 129-132), le caractérisant « jaune » constitue dans les romans simoniens un nœud relationnel qui conjoint un grand nombre de données fictionnelles, en les intégrant dans un vaste réseau de références (intra-)intertextuelles. Il s’esquisse dès lors une homologie entre les motifs du tuyau et de la couleur jaune, dans la mesure où chacun d’entre eux renvoie à un système de ramifications discursives qui se recoupent en permanence et permettent d’organiser la matière narrative en « un ensemble homogène conformément au dessein tissé par les méandres de la mémoire lors de l’avancée textuelle du roman ».

Stéphanie Orace s’intéresse pour sa part au rythme de la phrase simonienne. Dans son étude, qui brasse des références à un grand nombre de travaux théoriques, elle entreprend de montrer que le tempo caractéristique des romans simoniens constitue la transposition stylisée d’une « dialectique ordre / désordre, continu / discontinu, mouvement / immobilité ». Cette dialectique se manifeste notamment par le recours systématique à des répétitions assorties d’une ou plusieurs variations, que ce soit au niveau du morphème, du vocable, du syntagme, du segment phrastique ou de la phrase tout entière. Les techniques discursives liées à une telle démarche, métaphorisées par l’image de l’éventail, sont utilisées dans un roman comme Histoire pour érotiser le texte simonien, en inscrivant dans son corps même une « grammaire du désir ». On voit ainsi se dégager in fine un invariant stylistique qui constitue le trait distinctif de base de la « rythmique simonienne », à savoir un mouvement de va-et-vient en deux temps exemplifié notamment par des balancements phonético-syntaxiques de toutes sortes que S. Orace s’attache à analyser dans une perspective à la fois stylistique et anthropologique.

Catherine Rannoux analyse la construction phrastique du Tramway. S’inspirant notamment des remarques de Jean Duffy sur la construction narrative de La Bataille de Pharsale (cf. Duffy 2005, 2006 : 1384), elle traite ce roman comme une « véritable forme musicale nourrie d’échos, de reprises et de métamorphoses, mais aussi de glissements subreptices ». Son article porte plus précisément sur les phénomènes de « bifurcation » et / ou de « télescopage » syntaxico-narratifs qui découlent de l’utilisation systématique de ce qu’elle appelle (à la suite de Stéphane Bikialo) des « phrases à aiguillages ». Ces phrases sont caractérisées avant tout par une utilisation « déviante » des formes de reprise discursives qui crée un simulacre de continuité, dans la mesure où elle masque une série de glissements référentiels et syntaxiques : « [l]a phrase lance sa trajectoire dans une direction, puis opère par relances successives des réorientations plus ou moins discrètes qui, en même temps qu’elles scandent la continuité textuelle par la reprise du même, fraient un nouveau chemin ». Il se tisse ainsi un lien entre continuité et discontinuité que C. Rannoux (1997 : 44 et passim) avait déjà mis en évidence dans son ouvrage sur La Route des Flandres, et qui fait du manque, de ce qui se dérobe à toute tentative de combler les lacunes du texte, « un élément constitutif de l’écriture du Tramway ». On comprend dès lors pourquoi le roman de 2001 regorge d’anacoluthes de toutes sortes : ces anacoluthes exemplifient tous des prédicats comme /absence/, /fracture/ ou /faille/ [23] , et à ce titre ils entrent en résonance avec une série de représentations liées à la mort et à l’anéantissement qui hantent le narrateur du Tramway. En effet, l’évocation allusive de la disparition (effective ou potentielle) de plusieurs personnages différents (la mère du narrateur, le narrateur lui-même, son ami Gaguy …) trouve son pendant stylistique dans les « hiatus » discursifs générés par la multiplication d’anacoluthes, ces hiatus laissant en quelque sorte dans le récit simonien « la trace d’un silence ».

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Notes

[1On déplorera ainsi l’attitude de certains traditionalistes qui persistent à mener un combat d’arrière-garde en excluant a priori, aujourd’hui encore, toute possibilité d’utiliser des outils linguistiques dûment calibrés pour analyser de manière précise et détaillée la texture verbale des récits simoniens.

[2Apparenté, notons-le, à celui de « sur-structuration », avatar moderne de la définition jakobsonienne de la littérarité comme projection de l’axe paradigmatique sur l’axe syntagmatique (cf. Jakobson 1963 : 220, 232, Aroui 1996 : 9-12, Yocaris 2014).

[3Nous reprenons ici la terminologie des rhétoriciens du Groupe μ (1990 : 65).

[4Pour plus de précisions sur ce point, v. Yocaris & Zemmour 2010.

[5Pour plus de précisions sur le concept de « schématisation discursive », v. Grize 1982 : 172, Grize 1996 : 50.

[6Pour plus de précisions sur le concept de « non localité fictionnelle », v. Yocaris 2006a : 405-407. La non localité de l’espace fictionnel de Triptyque découle d’une imbrication oxymorique de ses trois composantes fondamentales (les trois séquences narratives de base), que l’on peut approximativement formaliser en termes ensemblistes comme suit : S1 ⊃ S2 ; S2 ⊃ S3 ; S3 ⊃ S1. La construction narrative de Leçon de choses est autrement plus complexe, et nécessiterait une étude à part.

[7Sans rentrer ici dans des considérations plus détaillées : v. Yocaris 2012, 2013c.

[8Rappelons que, selon Catherine Kerbrat-Orecchioni (1986 : 116), il y a « trope implicitatif » « chaque fois qu’un contenu présupposé ou sous-entendu apparaît en contexte comme le véritable objet du message à transmettre ».

[9Extrêmement précieuse du fait de la richesse des annotations et de la qualité des contributions qu’elle contient, cette édition doit être considérée d’un strict point de vue herméneutique comme une base de travail, et non pas comme un aboutissement.

[10L’« altertexte » est défini par R. Gay-Crosier (1986 : 321) comme « une espèce de texte négatif » engendré par « les parties manquantes, les morceaux absents, les déchirures et les trous que créent les coupures et les découpures dans le tissu textuel ».

[11Le « métatexte » est produit mentalement par le lecteur des romans simoniens à partir d’une confrontation du texte qu’il a sous les yeux, des intertextes et de l’altertexte : il s’agit en somme d’un « miroir totalisant qui aspire à rassembler les jeux de miroir du texte romanesque » (Gay-Crosier 1986 : 323).

[12Cf. p. ex. van Appeldoorn 1982.

[13V. Van Rossum-Guyon 1971, Gay-Crosier 1986, Riffaterre 1988, Orr 1993 ; cf. aussi Gignoux 2003 : 27-37.

[14Comme le souligne R. Gay-Crosier (1986 : 326), dans un roman comme Les Géorgiques « [l]a cohérence interne se déplace du niveau de la logique de cause à effet […] au plan d’une métalogique fictionnelle dont les assises sont des métaphores filées, le rétrorécit intermittent, la déchronologie soutenue, des lexies répétées, des images obsédantes de par leur récurrence, de constants renvois à un inventaire d’événements et de discours réitérés […] qui se constitue, au fil de la lecture, en véritable encyclopédie d’intertextes truqués ou réels ». Or, à ce jour, aucun auteur n’a pu montrer dans le détail en quoi consiste cette « métalogique fictionnelle » …

[15Cf. Herschberg-Pierrot 2005.

[16Cf. Minich Brewer 1995 : 73-111.

[17Pour plus de précisions sur la différence entre « intertexte » et « interdiscours », nous renvoyons ici aux travaux de Jean-Michel Adam : ce dernier se propose de réserver le premier de ces deux concepts « aux échos libres d’un (ou de plusieurs) texte(s) dans un autre texte », le deuxième relevant plutôt d’un ensemble de « pratiques discursives propres à une formation sociodiscursive, […] qui prennent la forme des divers genres du discours journalistique, des genres du discours politique, des genres littéraires, etc. » (Adam 1999 : 85).

[18Cette étude porte du reste pour l’essentiel non point sur l’allégorie en tant que figure, mais plutôt sur le « thème de l’allégorie » (Isolery 2000 : 78) dans Histoire.

[19Cf. la contribution de Catherine Rannoux dans le présent recueil.

[20Ainsi par exemple l’agencement narratif mis en place dans La Route des Flandres entre directement en résonance avec des figures de style récurrentes comme l’énallage de personne ou l’oxymore, qui en offrent une représentation « miniaturisée » en condensant d’une certaine façon sa signification proprement philosophique : cf. Yocaris 1997 : 174, Yocaris 2002 : 253-257, 290 etc.

[21Cf. n. 5.

[22Cf. Riffaterre 1983 : 12.

[23Pour plus de précisions sur le couple oppositionnel « dénotation vs exemplification », cf. Goodman 1968 : 3-6, 45-57, Goodman 1978 : 31-32, Yocaris 2008a : 225-228.