Association des Lecteurs de Claude Simon

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Perpignan : hôtel de la Cloche d’Or

lundi 27 février 2012, par Christine Genin

À Perpignan Claude Simon habite pendant son enfance, avec sa mère, l’hôtel de la famille, également occupé par sa grand-mère, et par la sœur de sa mère, son mari, Henri Carcassonne, et leurs six enfants.

L’hôtel particulier de la famille maternelle de Claude Simon se trouve 12, rue de la Cloche d’Or, au bout de la rue Saint-Martin (aujourd’hui Maréchal-Foch).

Pendant les mois d’été, toute la famille s’installe aux Aloès, propriété de la famille Carcassonne située près de la mer, entre Perpignan et Canet.

Comme si au cœur de la vieille ville (avec ses étroites rues maintenant encombrées d’autos, empuanties de gaz, les rez-de-chaussée de ses vieux hôtels éventrés pour faire place à des vitrines illuminées, peuplées de clinquants mannequins, comme les palmiers en quelque sorte factices, importés eux aussi, accordés au clinquant de fausse Riviera, aux clinquantes musiques de conserve qui s’échappaient des portes, aux clinquants vendeurs ou vendeuses sortis tout habillés de boîtes de conserves garnies de surplus américains, de vestes de trappeurs ou de fourrures importées de Chicago ou de Hong-kong en même temps que les tentatrices affiches de voyages pour Chicago et Hongkong) la maison constituait comme un îlot, une sorte de lieu épargné, préservé dans l’espace et le temps (la maison où avait vécu, jeune fille, la femme qui devait plus tard le porter dans son ventre, où il avait lui-même grandi, enfant, sous les plafonds de cinq mètres de haut entre deux veuves, l’une toujours obstinément vêtue de noir, l’autre, une très vieille dame au visage effondré, comme un permanent masque d’affliction fait, semblait-il, de larmes de cire solidifiées, les deux femmes (la fille et la mère) confondues pour ainsi dire dans leur condition de veuves, veillant sur l’enfant avec une sorte de féroce et possessive passion jusqu’à ce que la fille (la fille veuve) eût rejoint sa mère sous la tonne de pierre entourée de cyprès, après quoi (d’abord revêtu du sévère uniforme de la sévère institution religieuse, puis de vestons et de pantalons qui se voulaient agressivement le contraire d’un uniforme : le nonchalant débraillé, soigneusement étudié (tweed et flanelle) de faux étudiant d’Oxford ou d’apprenti cubiste) il n’était plus revenu qu’occasionnellement, n’occupant que de passage, presque en étranger, la moitié de la maison dont il avait hérité (c’est-à-dire la moitié d’environ mille mètres carrés de bâtiments (remise, écurie, caves, escalier, véranda, salons, salles à manger, chambres, corridors, cuisines, lingeries, offices, galetas) entourant une cour, un jardin et une terrasse) (L’Acacia, p. 206-207)

et à présent il était à son tour un vieil homme, avait vendu sa moitié du mausolée, fui devant l’irrésistible marée des juke-boxes et des marchands de vêtements américains pour aller habiter à la campagne une autre des maisons dont il avait hérité, à part entière celle-là : la maison au pavage décoré de fleurs rouges et noires et à la cheminée de marbre sculpté devant laquelle s’asseyait le vieux patriarche pour absorber lentement les pyramides de figues) (L’Acacia, p. 207-208)

Quelques photographies dues à Pascal Mougin :

Le 10 octobre 2013, une plaque commémorative a été dévoilée rue de la Cloche d’Or.

Était présente notamment Florence Bourgouin-Codet, cousine de Claude Simon, propriétaire actuelle d’une partie de la maison Rue de la Cloche d’or, et organisatrice de la pose de la plaque.

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