Association des Lecteurs de Claude Simon

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Les Aloès (Canet-en-Roussillon)

lundi 27 février 2012, par Christine Genin

Simon a passé les mois d’été de son enfance au Mas des Aloès (aujourd’hui Mas Carcassonne) situé entre Perpignan et Canet (commune du Canet-en-Roussillon) sur le tracé du tramway.
Acheté par son oncle Henri Carcassonne, qui s’occupait des vendanges et de la vinification, le mas attirait toutes les branches de la famille.

La bâtisse aux airs de forteresse crénelée et ses abords sont le décor de nombreux romans de Claude Simon.
Avant la Grande Guerre, la mère de Simon et ses cousins y jouaient au tennis. Après la guerre, malade, elle se reposait dans le jardin. Le tennis et les vasques de terre cuite qui couronnent le portail figurent dans Le Tramway :

Une impénétrable et luxuriante végétation d’aloès et de figuiers de Barbarie poussant aux flancs de la colline au-dessous de la terrasse qui longeait l’aile gauche des bâtiments en protégeait l’accès et, à travers les hautes tiges des aloès qui balançaient leurs candélabres, l’horizon là-bas fermé d’une barre bleue sur laquelle, certains jours, apparaissaient et disparaissaient de petites taches blanches qui faisaient décréter sans appel par ma tante que la mer était trop grosse pour qu’on aille se baigner et que l’on n’irait pas à la plage. (p. 128-129)

… Personne ne ramassait les olives tombées de l’arbre et dont les pulpes écrasées parsemaient de taches noires les trois marches de briques par lesquelles, tournant brusquement à droite, se terminait la première rampe du sentier bordé de ces buissons d’un bleu pâle, personne non plus, sauf les enfants, ne faisait attention aux figues trop mûres, à la peau ratatinée et ridée, presque noire, à la chair éclatée, pourpre, granuleuse et sucrée, éparpillées quelques mètres plus loin parmi les touffes d’herbe encore vertes du pré roussi par l’été et qu’il fallait dans l’odorant et lourd parfum des larges feuilles disputer aux fourmis. Au bout de l’allée bordée de mûriers, le tramway s’arrêtait au pied du grand pin parasol dont le tronc penché par le vent, presque couché à sa base, était recouvert non pas exactement d’écorce mais d’épaisses écailles encastrées l’une dans l’autre en losanges, d’un gris soyeux, légèrement teinté de rose en leur centre et bordées d’un rugueux bourrelet brun. Entre deux d’entre elles sourdait en permanence une coulée de résine qui formait d’abord une grosse bulle, à peu près de la taille d’une groseille, d’un jaune d’or étincelant au soleil et dont la base se couvrait d’une sorte de taie avant de finir par s’écouler en une longue traînée de larmes grises, peu à peu blanchâtre, comme une fiente d’oiseau. Dans des vasques de terre cuite, deux aloès nains aux feuilles bordées de jaune couronnaient les montants du portail à l’entrée de l’allée pénétrant dans les jardins où, en septembre, à l’époque des vendanges, stagnait aurait-on dit en permanence entre les lauriers dans l’air immobile la fine poussière blanchâtre soulevée par l’auto de quelque visiteur – ou simplement (la sécheresse était telle) les sabots des lourds percherons et les roues cerclées de fer des charrettes. (p. 139-141)

Les grandes vacances terminées, Claude Simon doit prendre le tramway pour se rendre au collège François Arago, à Perpignan, où la famille ne revient s’installer qu’à la Toussaint.

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Les Aloés  Perpignan