Association des Lecteurs de Claude Simon

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la fenêtre est ouverte

mardi 11 septembre 2012, par Jacques d’Anglejan

O. est assis à sa table devant la fenêtre. La fenêtre est ouverte.Le soleil qui entre s’étend sur la partie droite de la table. (...) Sur la table la ligne de séparation entre l’ombre et le soleil progresse de façon imperceptible. Au fur et à mesure qu’elle avance vers la gauche, les ombres des objets s’étirent encore. Dans l’angle droit de la table, du côté de la fenêtre, est posé un vieux dictionnaire Petit Larousse, cartonné, à la couverture d’un rouge violacé, et dont les coins usés, arrondis, laissent voir la texture feuilletée du carton, d’un gris jaunâtre. Touchant presque le bas du dictionnaire et à demi dans son ombre se trouve un paquet de gauloises. Sur son enveloppe bleue est dessiné un casque pourvu d’ailes. Le casque fait penser à des bruits de métal entrechoqué, de batailles, à Vercingétorix, à de longues moustaches pendantes, à Jules César. Les ailes évoquent des images d’oiseaux, de plumes, de flèches empennées. (...) Près du paquet de gauloises se trouve une coquille Saint-Jacques utilisée comme cendrier. La matière calcaire de la coquille est d’un jaune clair, presque blanc et légèrement citronnée là où le soleil la frappe, l’éclairant en transparence. Des traces d’un rose brun apparaissent en quelques endroits. Le bord de la coquille projette sur la table une ombre crénelée.

Claude Simon, La Bataille de Pharsale (Minuit, 1969, p. 256-259). Repris dans Œuvres, 1 (La Pléiade, p. 731-732)