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Claude Simon par Alastair B. Duncan
mardi 3 juillet 2012, par
Claude Simon, un écrivain dans la modernité... par centrepompidou
– Présentation de Claude Simon (1913-2005) par Alastair B. Duncan, ancien président de l’ALCS
Les romans de Claude Simon, prix Nobel de littérature en 1985, ont fait de lui un classique du 20e siècle.
Né en 1913 à Madagascar, fils d’un officier de carrière, Simon a vécu, pour une grande part douloureusement, les événements historiques de la première moitié du siècle. Encore enfant, il perd son père, tué au front en 1914, et sa mère, rongée par la maladie, en 1925. Jeune homme, il observe la révolution espagnole à Barcelone en 1936 ; en 1937, il voyage à travers l’Europe jusqu’en Russie ; en 1940, son régiment de cavaliers avance à cheval contre les avions et les chars nazis. Il échappe au massacre de son escadron et voit son colonel abattu devant lui par un tireur isolé – épisode qui revient souvent dans ses romans.
Simon pratique la peinture et, un peu, la photographie avant de venir à la littérature. Ses romans – dont le premier, Le Tricheur, paraît en 1945 et le dernier, Le Tramway, en 2001 – participent pleinement de l’aventure intellectuelle de la deuxième moitié du siècle. Comme ses compagnons du Nouveau roman de la fin des années cinquante, il se révolte contre l’intrigue et l’enchaînement prétendu logique de cause à effet. À partir du Vent (1957) et de L’Herbe (1958), une série de romans se présentent comme des tentatives de restitution du passé. Dans son premier chef d’œuvre, La Route des Flandres (1960), Simon fait revivre son expérience de la débâcle : la confusion des sens, la vivacité fragmentaire des souvenirs et des perceptions. Dans Le Palace (1962), il revient sur la révolution à Barcelone. Dans Histoire (1967), les événements d’une seule journée lui servent de cadre pour explorer les histoires de sa famille et, discrètement, les traces de drames personnels, de femmes désirées, aimées et perdues.
Suit, à partir de La Bataille de Pharsale en 1969, une période d’expérimentation formelle. Dans Les Corps conducteurs (1971), Triptyque (1973) et Leçon de choses (1976) la description prime sur la narration ; des histoires fragmentaires s’entrelacent ; le ton est neutre, apparemment objectif. Puis, dans Les Géorgiques (1981), Simon revient magistralement à l’Histoire : à côté d’un ancêtre, révolutionnaire et général, il place un brigadier de 1940 et un volontaire de la Guerre d’Espagne. Dans L’Acacia (1989), il juxtapose sa propre expérience de la guerre à celle du père tué en 1914. Le Jardin des Plantes (1999) fait la synthèse de tout ce qui précède et donne en prime des aperçus de la vie d’un écrivain nobelisé en proie aux journalistes. Le Tramway évoque, avec tendresse mais sans complaisance, l’enfance à Perpignan.
L’autobiographique chez Simon est toujours soumis à l’impératif esthétique. Ses romans se caractérisent par l’orchestration des thèmes. En juxtaposant et en imbriquant des motifs, il approfondit parallèles et contrastes, multiplie résonances et correspondances. Il joue sur des registres différents, allant du tragique au comique en passant par une ironie corrosive – par exemple dans L’Invitation (1987), fruit savoureux d’une visite en URSS en 1986. Ses romans traitent de l’Histoire mais la débordent. Par la force de l’imagerie, tirée notamment de la Bible et de l’antiquité, le particulier chez lui rejoint l’universel et l’ordinaire prend la coloration du mythe. Son style, hérité en partie de Faulkner, est reconnaissable entre tous. Des phrases longues et sinueuses avancent en tâtonnant, se corrigeant, s’amplifiant dans des parenthèses, avant de revenir, enrichies, à leur point de départ.
Traduit dans le monde entier, Simon exerce une influence majeure sur de nombreux jeunes écrivains contemporains.
– le deuxième tome des Œuvres de Claude Simon dans la Pléiade vient de paraître
– lire aussi :
« Claude Simon, la construction de l’œuvre »
Dossier rédigé par Alastair B. Duncan
à l’occasion de l’exposition Claude Simon. « L’Inépuisable chaos du monde ».